L’Agence Science-Presse a publié le 21 novembre 1978, il y aura donc bientôt 30 ans, le premier numéro de son bulletin Hebdo-Science. Voici un autre des 30 articles que nous vous offrirons d’ici au 21 novembre 2008... Lisez-le et mesurez le chemin parcouru... ou pas encore parcouru!

Médecine génétique : découvertes nombreuses mais peu d’applications

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Un éventuel modèle de médecine génétique au Québec devrait reposer sur trois bases : le dépistage volontaire, qui permettrait aux gens de savoir, à partir d’une simple prise de sang, s’ils sont ou non porteurs de gènes défectueux; la recherche fondamentale, sur laquelle repose encore tout espoir de nouveau traitement; et l’information du public.

Telle est en substance la vision du président du Réseau de médecine génétique du Québec (RMGQ), le Dr Claude Laberge.

À l’heure actuelle, une forte proportion des hospitalisations est attribuable à une causalité génétique : de 40 à 50% chez les enfants, de 20 à 25% chez les adultes. Et la situation ne s’améliore guère.

La récentes découvertes génétiques —dystrophie musculaire, fibrose kystique, maladie de Steinert— n’ont presque pas eu de retombées concrètes.

« L’Hôpital Sainte-Justine, qui devait en 1988 assurer les débuts d’un service diagnostic de la dystrophie musculaire, a abandonné en 1991, faute de fonds, déplore le Dr Laberge. L’Hôpital de Montréal pour enfants, qui offre depuis peu un service de dépistage aux familles touchées par la fibrose kystique, fonctionne quant à lui au ralenti, faute d’argent. Bref, on en est presque encore au statu quo en matière de médecine génétique au Québec. »

La situation a déjà été meilleure. Créé en 1970, le Réseau de médecine génétique mit sur pied un dépistage systématisé d’une vingtaine de maladies génétiques chez les nouveau-nés —une initiative jugée très brillante. Depuis ses débuts, le Réseau a passé au crible le sang et l’urine de deux millions de bébés.

De l’avis du Dr Laberge, le développement de la médecine génétique pourrait se faire à partir de l’actuel RMGQ, « qui possède l’expertise professionnelle, l’équipement informatique et les laboratoires moléculaires nécessaires ».

On y poursuivrait bien sûr la recherche de base sur le génome humain (l’ensemble de nos gènes), afin de mieux comprendre —et peut-être un jour traiter— les maladies génétiques.

Mais la clé de cette médecine serait la prévention, c’est-à-dire le dépistage des porteurs. « On créerait un service provincial de dépistage génétique cartographié, explique le Dr Laberge. Des laboratoires seraient mis en place afin de dépister les individus porteurs de défauts génétiques. Ensuite, on cartographierait les régions ou les communautés en fonction des risques génétiques qui leur sont inhérents de manière à répartir les services médicaux en conséquence. »

De tels services ont été mis en place il y a quelques années au profit des communautés italo-grecques de Montréal, où sévissent certaines maladies génétiques —Tay-Sachs et Bêta-thalassémie— qui leur sont quasi-exclusives. Mais ce sont des cas encore isolés.

Les gens sont-ils prêts à se prêter à une telle investigation? « On ne parle pas de dépistage de masse, mais plutôt d’un dépistage qui se ferait sur une base individuelle et libre », dit Gérard Bouchard, co-directeur du Centre inter-universitaire de recherches sur les populations.

Et pourquoi le ferait-on? « L’individu renseigné sur son patrimoine génétique a maintenant la possibilité d’agir sur son destin, poursuit le scientifique de l’Université du Québec à Chicoutimi. Il peut choisir par exemple de ne pas concevoir d’enfants si le risque de transmettre une maladie est trop grand. »

« La génétique n’est pas une science ésotérique, d’ajouter le Dr Laberge. Elle est un outil nouveau donné à l’homme pour se mieux connaître et, ce faisant, mieux contrôler sa destinée. »

Actuellement, aucune politique de santé génétique n’a encore été établie au Québec. En 1991, le gouvernement mis sur pied un Comité consultatif sur la génétique humaine qui doit remettre son rapport d’ici l’automne.

Par Luc Dupont, Hebdo-Science, 3 août 1993

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