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D’un côté, les États qui ne respectent pas leurs promesses de réduction des gaz à effet de serre. De l’autre, le consensus scientifique sur la responsabilité humaine dans le réchauffement climatique. C’était —déjà— à l’ordre du jour il y a 20 ans, lors du sommet annuel des Nations unies sur le climat (la COP9 de 2003, ancêtre de la COP28 de 2023). Ce texte, paru le 8 décembre 2003, est republié ici à l’occasion du 45e anniversaire de l’Agence Science-Presse

Si cette planète vous tient à coeur

Le Protocole de Kyoto disait qu'en 2010, les émissions de gaz à effet de serre auraient dû diminuer de 5% par rapport à 1990. En réalité, elles auront… augmenté de 17%!

Et pendant que les Etats-Unis et leur nouvel allié, la Russie, refusent toujours de signer Kyoto, alléguant que la preuve de son utilité n'a pas été faite, d'autres recherches continuent de s'empiler pour démontrer, chaque fois un peu plus, que l'activité humaine est la principale responsable de l'augmentation de la température depuis 50 ans.

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La nature a sa part de responsabilités, mais même en mettant les choses au pire pour elle, l'influence humaine « est maintenant largement suffisante pour dépasser les limites des variations naturelles », lit-on dans une analyse que publie la dernière édition de la revue Science.

La seule incertitude, et elle est de taille, est de savoir à quel rythme se feront les changements. À quel rythme augmentera la température moyenne du globe, à quel rythme augmentera le niveau des eaux, à quel rythme se multiplieront les situations extrêmes: ouragans, tempêtes et précipitations violentes.

Par contre, écrivent Thomas Karl et Kevin Trenberth, de l'Administration nationale des océans et de l'atmosphère et du Centre national de recherche atmosphérique (Colorado), on s'entend sur une chose: quel que soit le poids de l'influence humaine, ce poids va s'accroître de plus en plus rapidement, parce que les dégâts que l'humain laisse derrière lui s'accumulent avec le temps.

Cette analyse est publiée au moment même où, à Milan, en Italie, sont réunis jusqu'au 12 décembre quelque 4000 délégués de la COP9 (9e Congrès des Nations unies sur la Convention sur les changements climatiques). Un congrès censé faire le point sur l'entente de Kyoto de 1997... ou ce qu'il en reste six ans plus tard.

Peu de gens croyaient sérieusement lors du 8e Congrès, l'an dernier, que les objectifs de Kyoto seraient atteints. Mais plus les années passent et plus la chose devient claire: même si, par miracle, les Américains et les Russes —ces deux gros joueurs qui, en refusant de signer, empêchent que l'entente ne devienne officielle— se ralliaient à Kyoto, les objectifs fixés en 1997 resteraient inatteignables: les dernières estimations prévoient que les gaz à effet de serre émis par les pays industrialisés seront, en 2010, de 17% supérieurs à ce qu'ils étaient en 1990.

Soixante-quatorze pays ont signé Kyoto, et certains ont déjà mis en application des législations pour tenter de s'y conformer, mais même à leurs niveaux nationaux, ils seront peu nombreux à avoir ramené leurs émissions en-dessous du plancher de 1990.

Parmi les discussions à l'ordre du jour de Milan, figure aussi en tête de liste la question des forêts comme « aspirateurs de carbone ». Après des années, on n'est toujours pas parvenu à s'entendre sur la façon de calculer les « crédits de pollution » qu'un pays pourrait obtenir s'il plantait davantage d'arbres. Aucun calcul ne fait l'unanimité.

Enfin, à mesure qu'approche l'échéance fixée par Kyoto, il faut commencer à regarder au-delà. Que diable pourront bien être les objectifs de dépollution et d'assainissement de l'eau et de l'air que les nations se donneront après 2010… si elles ne sont même pas parvenues à s'entendre sur les vieux objectifs de 1997?

- Agence Science-Presse, 8 décembre 2003

 

La confiance dans le Protocole de Kyoto était à son plus bas en 2011: 

Ceux qui critiquent le Protocole de Kyoto ne prétendent toutefois pas qu’il s’agissait d’une fausse piste. Kyoto a obligé une trentaine de pays à admettre que le réchauffement climatique constituait un grave problème. Il a accéléré les investissements dans les énergies vertes. Et en dépit du quasi-échec de la Conférence de Copenhague en 2009, davantage a été accompli depuis cette date «à travers des ententes nationales et volontaires de réductions d’émissions de carbone que pendant les 15 années de négociations depuis Kyoto ».

- Agence Science-Presse, 28 novembre 2011

 

L’étape suivante serait l’Accord de Paris, en 2015 qui, au contraire de Kyoto, serait signé par l’ensemble des pays. Mais au prix d’un nombre peut-être beaucoup trop élevé de compromis.

Le journaliste Michael Le Page du New Scientist commence ainsi son compte rendu: le sommet sur le climat de Paris «pourrait rester dans les mémoires comme le moment où les chefs d’État ont laissé s’échapper le dernier espoir de limiter le réchauffement à deux degrés».

Personne ne nie pourtant qu’il s’agit d’une percée. Pour Jean-Patrick Toussaint, de la Fondation David-Suzuki, «cette entente va accélérer le processus de transition qui s’est déjà amorcé depuis les dernières années vers des énergies renouvelables. Par ailleurs, le mécanisme de révision des cibles à tous les 5 ans permettra ainsi aux pays de rendre des comptes face à leur progrès vers l’atteinte de leurs cibles».

Qui plus est, c’est la première fois en 20 ans de négociations qu’autant les pays riches que les pays pauvres s’entendent sur un objectif commun. C’est aussi la première fois que la cible d’un degré et demi Celsius est mentionnée, mais samedi, personne ne semblait la considérer vraisemblable. L’objectif du Fonds vert d’aide aux pays en voie de développement est élargi au-delà des 100 milliards$ initialement fixés, mais cet objectif initial, six ans plus tard, est loin d’avoir été atteint.

Il y a loin de la coupe aux lèvres, a résumé samedi l’un des scientifiques qui a contribué à la prise de conscience du réchauffement climatique, le climatologue américain James Hansen : «il n’y a aucune action, juste des promesses».

Pour Bill McKibben, co-fondateur de 350.org, c’est une bonne chose que les gouvernements reconnaissent tous que l’ère des carburants fossiles doive prendre fin: une partie du pétrole va donc rester dans le sol. «Mais le pouvoir de l’industrie fossile se reflète dans le texte, qui retarde tellement (cette) transition que les dommages climatiques seront sans fin.» Pour le Réseau Action Climat, c’est un bon point de départ mais «le mode d’emploi reste vague et le calendrier repousse à plus tard les efforts à fournir tout de suite». Pour Attac France, l’accord est «très en dessous du changement de cap requis». Pour Greenpeace France, «la dynamique créée à l’extérieur du Bourget montre que les solutions à la crise climatique gagnent du terrain» mais «les engagements actuels des pays nous amènent toujours tout droit à près de 3 degrés de réchauffement.»

- Pascal Lapointe, 13 décembre 2015

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