Bloguer en science, ce n’est pas seulement vulgariser pour le grand public. De plus en plus de chercheurs et d’étudiants se regroupent ou échangent de l’information par ce canal. Mais leurs institutions, elles, sont encore loin d’avoir intégré le blogue à leurs boîtes à outils.

Parmi les plus audacieuses, l’Université Stanford, qui recense 150 blogues, incluant ceux rédigés par ses diplômés (blog.stanford.edu). L’étape suivante devrait logiquement être d’encourager ses profs à bloguer, mais c’est là un pas que même Stanford n’a pas encore franchi, déplorent trois scientifiques blogueurs dans une édition récente de la revue en ligne Public Library of Science (PLOS) Biology.

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De la pratique scientifique au blogue, il n’y a pourtant qu’un pas, semblent-ils dire. « Les découvertes scientifiques se produisent en laboratoire au rythme d’une expérience à la fois, mais la science elle-même progresse sur la base d’une série de conversations, du discours d’acceptation d’un Nobel jusqu’aux discussions d’étudiants dans un bar. » Il est donc « dans l’intérêt des scientifiques autant que des institutions universitaires d’amener ces conversations sur la place publique ».

L’éditeur PLOS est lui-même à l’avant-garde d’un mouvement visant à élargir la « conversation » entre scientifiques : PLOS fut d’abord, en 2001, une pétition en appelant à ce que les recherches soient librement accessibles, et gratuitement. C’est aussi, depuis 2007, un lieu d’expérimentation pour une forme plus ouverte de révision par les pairs, à travers sa revue PLOS One.

Comment vaincre les réticences des universités? Les trois auteurs —dont deux, Tara C. Smith et Nick Anthis, figurent dans le « top 20 » des blogueurs scientifiques les plus connus du monde anglophone— proposent un démarche en trois étapes, dont la première, la moins risquée et la plus simple, est celle déjà suivie par l’Université Stanford : mettre en valeur les blogues réalisés par ses propres enseignants et étudiants.

Étape suivante : encourager ses profs à bloguer. Aux administrateurs inquiets des « dangers » de cette liberté de parole, qu’ils se rassurent : cela ne les engage à rien. Encourager n’est pas cautionner, pas plus qu’une institution ne s’estime responsable des propos de ses profs à la télé ou dans la presse écrite.

Et le troisième et dernier pas est une appropriation institutionnelle : l’établissement universitaire peut en arriver à agir soit comme un filtre en « accréditant » les blogueurs qu’elle reconnaît comme siens (ce qui n’empêche nullement ceux qui ne veulent pas de cette accréditation de continuer à bloguer), soit comme un éditeur, comme le fait le MIT avec son mensuel imprimé Technology Review. L’expérience ResearchBlogging, pilotée par une poignée de bénévoles qui se donnent pour ambition de ne pointer que des billets parlant de recherches parues dans des revues solides, s’inscrit dans cette tendance : une façon par laquelle des gens de « l’institution » —ici, des chercheurs— s’approprient ce nouvel outil qu’est le blogue.

L’article cite un des vétérans du blogue académique, Roger Pielke Jr, de Prometheus, en sciences politiques, pour qui « bloguer est devenu inséparable de la vie académique ». Et l'article mentionne aussi un autre vétéran, The Panda’s Thumb, blogue partagé par des biologistes spécialistes de l’évolution, qui est devenu un rendez-vous pour plusieurs profs de science. Ne reste à leurs universités qu' à en prendre acte...

Pascal Lapointe

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