On commence à évaluer l’impact des blogues et des wikis sur la science, mais on ne s’est pas encore intéressé à l’impact que pourraient avoir les nouveaux outils d’Internet sur les congrès scientifiques. Les avantages d’un congrès « en ligne » semblent pourtant évidents : moins de pollution, moins de conflits d’horaire... et le droit de cogner des clous.

Les expériences menées jusqu’ici ont été marginales, mais plus pour longtemps, selon un éditorial paru dans Nature cet automne : « le nombre toujours croissant de ces rencontres scientifiques est préoccupant. Bien sûr, le rythme de la science s’accélère. Mais la prolifération des rencontres est parfois influencée par le désir qu’ont des chercheurs de grossir leur CV ou par le prestige qu’apporte un tel événement à une institution ».

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Même la revue Fortune en parlait cette année sous le terme de « Conférence 2.0 », en donnant en exemple une entrevue « désastreuse » avec le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, sur la scène du Festival interactif South by Southwest, tenu au Texas en mars. Les questions posées par l’animatrice avaient paru insipides à plusieurs spectateurs, qui s’étaient mis à commenter en direct, via Twitter —un mélange de micro-blogue et de messagerie instantanée— et la frustration dans la salle grimpait, à mesure que les uns lisaient sur Twitter les commentaires des autres.

Faut-il y voir un exemple de plus de la « prise de parole » et de la « prise de contrôle », ces deux mamelles de l’Internet 2.0? Il est certain que si un auditoire peut partager ses pensées en temps réel, on vient de jeter par terre le modèle « je-parle-vous-écoutez » des congrès...

« Lorsque le panel a commencé à s'étirer, raconte un des interlocuteurs dans l’article de Fortune, vous pouviez voir les portables s’ouvrir et twitter arriver ». Les panélistes, réalisant qu’ils n’apportaient pas à l’audience ce qu’elle attendait, ont réorienté le tir.

L’expérience des « non-conférences », évoquée ici l’an dernier, s’inscrit dans cette logique de la « Conférence 2.0 » : dans une « non-conférence », les projecteurs sont tournés vers la salle, plutôt que vers un panel.

Mais une conférence virtuelle, ou mi-virtuelle mi « réelle », serait plus audacieuse encore, puisque la « salle » en question serait élargie aux quatre coins d’Internet. David McClure, organisateur d’événements chez O’Reilly Media —qui organise entre autres le Foo Camp, cité comme un modèle de conférence 2.0— n’y voit nullement une menace : « vous avez plus de réactions et vous pouvez mener une session plus intéressante ».

Comment ça pourrait fonctionner? Parmi les quelques rares trucs —le concept est encore embryonnaire!— on mentionne la nécessité d’avoir des petits groupes (les plus gros congrés internationaux devront attendre), de laisser au public la possibilité de réviser le programme avant (ou de voter), d’élargir le temps nécessaire au réseautage entre les sessions... et d’évidemment prévoir un wi-fi gratuit! Ou encore, pour réduire les déplacements en avion, pourquoi ne pas rassembler les gens en plus d’un endroit?

S’ils ont besoin d’un prétexte, la crise financière en devient un : on économise les billets d’avion et on réduit son empreinte carbone. « Les congrès scientifiques sont nécessaires et jouent encore un rôle important », conclut Nature en éditorial. La technologie ne peut pas toujours remplacer les contacts personnels. Mais les organisateurs de congrès pourraient y réfléchir à deux fois, « avant de lancer leurs prochains appels à des contributions ».

Pascal Lapointe

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