Première étape : déployer en orbite un miroir géant pour détourner de la Terre une partie des rayons du Soleil. Deuxième étape : développer une technologie capable d’aspirer le CO2 présent en surnombre dans l’atmosphère. Après les organismes modifiés génétiquement, bientôt la Terre... modifiée géographiquement?

La prestigieuse et très sérieuse Société royale de Londres vient de s’assurer de faire parler d’elle dans les médias en publiant le 1er septembre un rapport qui rend soudain plus crédible un concept pour l’instant nébuleux : la géo-ingénierie —c’est-à-dire cette idée de modifier les paramètres de notre planète de manière à ralentir le réchauffement climatique.

Il y a cinq semaines (voir ce texte), la Société américaine de météorologie était devenue la première association de scientifiques à endosser officiellement —quoique du bout des lèvres— l’idée de géo-ingénierie comme « Plan B » —autrement dit, au cas où les efforts de réduction des gaz à effet de serre n’atteindraient pas leurs objectifs.

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Un plan B, c’est également l’argument moteur de la Société royale : bien que les efforts de réduction du CO2 doivent demeurer la priorité « absolue », lit-on, il y a des risques pour que ça ne suffise pas à empêcher une hausse de plus de deux degrés. Auquel cas des mesures plus radicales devraient être dès maintenant envisagées.

Et il ne faudrait pas se contenter d’expérimenter une seule solution, insistent les 12 auteurs (des climatologues, un économiste, un sociologue, un juriste) du rapport Geoengineering the Climate, mais plusieurs solutions à la fois, parmi lesquelles :

- Des miroirs géants en orbite renverraient dans l’espace une partie des rayons du Soleil, ce qui limiterait le réchauffement de la planète. Ils en renverraient moins de 2%, mais même ce petit chiffre nécessiterait une poussée technologique énorme.

- L’injection de particules de sulfate dans la stratosphère : cela serait davantage à notre portée immédiate que les grands miroirs; cette solution limiterait également la quantité de rayons solaires capables d’atteindre la Terre.

- Aspirateur de CO2 : un travail qui pourrait être accompli par la création de millions d’arbres artificiels qui filtreraient le CO2 et l’entreposeraient.

Les sous et les risques

Par définition, toute idée associée à la géo-ingénierie —et le concept est dans l’air depuis les années 1990— implique un travail énorme, et souvent des technologies qui n’existent pas encore... mais qui sont à notre portée. Ce qui inquiète les opposants : investir dans la création de telles technologies pour jouer avec le climat peut sembler aux politiciens plus alléchant que d’imposer à leurs populations des restrictions dans leurs habitudes.

Mais comment s’assurer que ces interventions, qu’elles soient sur terre, sur mer ou dans les airs, ne perturberont pas les écosystèmes de manière imprévisible ? « Il est beaucoup trop tôt, et il le sera peut-être toujours, pour réaliser des expériences dans l’environnement », déclare dans Le Devoir le climatologue montréalais Jacques Derome, de l’Université McGill.

L’impact sur les écosystèmes, c’est en effet la grande question non résolue. Elle le demeure depuis que le Nobel de chimie Paul Crutzen a publié, en 2006 un article qui a donné un élan à la géo-ingénierie. Le journaliste Richard Kerr décrit dans la revue Science le rapport de la Société royale comme « le plus substantiel et le plus crédible » depuis Crutzen.

« La géo-ingénierie n’est pas la formule magique », insiste l’un des 12 auteurs du rapport, le spécialiste des systèmes terrestres et atmosphériques John Shepherd. Les efforts actuels de réduction des émissions de CO2 doivent être poursuivis et intensifiés. Mais avec cette nouvelle publication, « il est clair que beaucoup de gens [allègueront] que le GIEC devrait inclure une évaluation de la géo-ingénierie dans son prochain rapport », juge dans le New Scientist le climatologue allemand Ottmar Edenhofer.

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