Après le bioterrorisme, la grippe aviaire et le SRAS, c’est au tour de la grippe A (H1N1) de faire peur. Cette nouvelle menace fait toutes les manchettes. Un flot d’informations qui génère beaucoup d’angoisse. « Quoi que l’on fasse pour informer, cela n’ira pas », affirme Dominique Leglu, directrice de la rédaction du magazine Sciences et Avenir.

Les informations scientifiques à caractère anxiogène peuvent être de véritables bombes à retardement. C’est d’ailleurs là le sujet de sa conférence H1N1, bioterrorisme : les contradictions de l’information, présentée le 24 septembre prochain au Cœur des sciences de l’UQÀM.

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Si le journaliste adopte un langage laconique et un ton modéré, les lecteurs l’accusent de cacher quelque chose, explique-t-elle. S’il devient lyrique, il risque d’entraîner une véritable paranoïa. Trop ou pas assez, il n’est pas facile d’informer en cas de crise.

De fait, il existe un décalage entre le potentiel de dangerosité et le sentiment de danger réel vécu par la population. « Nous avons perdu le souvenir des grandes maladies infectieuses. L’épidémie de sida est déjà presque oubliée et celle du choléra en Bolivie se déroulait trop loin pour nous toucher. Nous avons la mémoire courte. En France, tous les albums de famille recèlent la photo d’un oncle ou d’une cousine décédée de la grippe de 1918 », rappelle Mme Leglu.

La pandémie actuelle n’est cependant pas comparable à celle de la grippe espagnole du point de vue de la mortalité. Mais à l’ère des chaînes d’information en continu et d’Internet, les nouvelles se transmettent plus rapidement que la maladie elle-même.

Informer en cas de crise

Alors, comment en parler? « Dans notre magazine, nous avons choisi la voie de la promotion de la vaccination. Nous sommes condamnés à nous positionner bien que la vaccination reste un sujet délicat en France », note-t-elle.

Alors que le vaccin contre la grippe porcine vient à peine d’être mis au point, le magazine suivra la campagne de vaccination et les recherches qui s’opèreront sur le terrain. Le choix principal a été fait afin de prendre du recul face à la panique ambiante.

En effet, il est généralement difficile de juguler une situation de crise par les connaissances. « Il y a toute une dimension affective incontrôlable. Lorsque le savoir ne suffit plus, les médias font écran. C’est alors la place de la médiation directe : un médecin, une infirmière, une “vraie” personne qui sera capable de vaincre les croyances et diminuer l’angoisse. »

Il importe alors, selon elle, que les journalistes spécialisés sortent de leur bulle et utilisent leur « boîte à outils ». Les journalistes scientifiques ne devront plus rester en circuit fermé, mais s’intéresser aux opinions et croyances de leurs confrères, de leurs voisins ou de leur famille. Ils devront également choisir de bons experts capables d’être limpides et de rassurer.

Le tout avec une écriture sobre, un ton modéré et une grande clarté. C’est là que la relecture des articles prend tout son sens. « En cas de crise, elle devient très importante. Il nous faut être vigilants face à tout ce qui est susceptible de choquer. Un grand respect des individus est obligatoire », tranche Mme Leglu.

Et si cela ne suffit pas... L’équipe de rédaction concoctera un numéro spécial où historiens, psychologues et autres experts en dehors de la sphère médicale seront conviés à apporter un regard extérieur sur l’épidémie et l’explosion de panique.

Sans compter Internet : un appel aux questions des lecteurs figurera d’ailleurs bientôt sur le site du magazine. « Nous voulons répondre à tous ceux qui se sentent perdus. »

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