En jargon administratif québécois, on appelle PPP « le partenariat public-privé ». Une façon de dire que là où le gouvernement manque de moyens, le secteur privé ferait soi-disant beaucoup mieux, et pour moins cher. Eh bien il semblerait qu’on lui demande à présent de décrocher la Lune.

Le président Obama a finalement tranché, et sa décision la plus visible était aussi la plus prévisible : il n’y aura pas de mission lunaire d’ici 2020. Cette idée d’un retour sur notre satellite, lancée par le président Bush il y a six ans, n’a jamais été crédible, faute d’avoir obtenu les —énormes— budgets nécessaires.

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Par contre, dans son projet de budget déposé ce lundi, 1er février, le président ouvre aussi la porte à l’entreprise privée, comme jamais auparavant dans l’histoire du programme spatial américain. C’est en effet le privé qui se chargera désormais de concevoir les véhicules capables d’envoyer des astronautes vers la station spatiale d’ici 2020 —après la mise à la retraite des navettes l’automne prochain. Comme le résume le Washington Post :

Au lieu d’avoir la NASA, propriétaire du véhicule spatial et qui en supervise chaque vis et boulon lors de sa construction, on aura une compagnie privée, qui conçoit et construit le véhicule spatial, sous la supervision de la NASA.

La NASA bénéficiera au passage d’une augmentation de budgets : 6 milliards$ sur cinq ans, portant le total des années 2011-2015 à 100 milliards$. Mais l’essentiel de cette nouvelle somme, révélait le quotidien Florida Today quelques jours plus tôt, ira à ces compagnies.

Justification : envoyer des astronautes en orbite est à présent banal. Si des compagnies privées peuvent se charger de faire le taxi, la NASA pourra se concentrer sur des choses plus importantes —concevoir des sondes spatiales vers les autres planètes, par exemple.

Certains, comme l’ancien directeur de la NASA Michael Griffin, ont d’ores et déjà fait part de leur inquiétude face à l’inexpérience des candidates —des compagnies comme SpaceX, connues depuis quelques années pour leurs tentatives d'envoyer là-haut leurs propres fusées. « On n’en est pas encore là », s’inquiète Griffin.

À l’inverse, les partisans d’une commercialisation de l’espace rappellent l’enfance des vols aériens, où les premières compagnies étaient jadis parvenues à lever de terre parce qu’elles avaient un client assuré : le gouvernement fédéral, en la personne de son service des postes.

« La NASA glisse vers ça depuis 25 ans », justifie le politologue Howard McCurdy, de l’American University (New York).

Les médias américains ont fait grand cas, en fin de semaine, des protestations des élus, dans les régions qui abritent une industrie aérospatiale : la fin des vols de navette signifierait en effet la mise à pied de 4600 personnes (sur 15 000) en Floride. Or, ces ingénieurs et techniciens s’attendaient à garder leurs emplois, dans la perspective d’une poursuite comme avant des programmes de la NASA. Dans la nouvelle perspective « PPP », rien n’est assuré.

Mais un jour, qui sait, c’est peut-être sous le drapeau d’une multinationale minière qu’ils marcheront sur la Lune...

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