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[ Mises à jour ] Depuis samedi, les médias scientifiques mettaient des bémols là où les autres s’énervaient un peu trop. Mais cette fois, c’est vraiment plus dangereux.

Que signifie « une brèche dans une enceinte de confinement »

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C’est la zone cruciale du réacteur (la centrale Fukushima Daiichi compte six réacteurs, dont trois étaient hors d’usage au moment du séisme). Si l’enceinte de confinement est à l’air libre, cela signifie que le combustible — les barres d’uranium — est davantage exposé, donc que les risques que la radioactivité ne s’échappe à l’air libre sont accrus.

Et le risque n’est pas juste à cause de la brèche. Normalement, ces barres sont refroidies en permanence avec de l’eau mais, comme on le sait, les systèmes de refroidissement sont tombés en panne depuis le séisme, et l’approvisionnement en eau de mer ne suffit pas à la tâche depuis lundi (voir l’autre texte).

Si les barres de combustible ne sont pas refroidies, elles commencent à fondre (c’est le « meltdown » souvent évoqué en anglais). Si elles fondent, leur radioactivité s’échappe. Il peut y avoir une fonte partielle (plusieurs experts prétendent que c’est déjà commencé) ou complète si les efforts de refroidissement cessent complètement. [ Ajout 15 mars, 22h55 ] Selon la dernière mise à jour de l'agence japonaise de surveillance du nucléaire, les trois réacteurs où ont eu lieu des explosions comportent des brèches. Toutefois, la pression s'est stabilisée dans deux d'entre eux.

[ Ajout 18 mars, 9h ] Cette fois, c'est officiel: les Japonais passent à la catégorie 5. Depuis le 12 mars, l'accident de Fukushima était classé "catégorie 4" sur l'échelle internationale des événements nucléaires. L'échelle va de 1 à 7, et Tchernobyl était à 7.

Faut-il s’inquiéter de la radioactivité?

Oui et non. Jusqu’à lundi, la réponse était plus près de « non ». « Radioactivité » n’est en effet pas synonyme de danger à tous les coups. En fin de semaine, les fuites radioactives, dans les réacteurs no 3 (où a eu lieu la première explosion, samedi) et 1 (la deuxième explosion, lundi) avaient été des fuites contrôlées par les ingénieurs de la centrale, afin de réduire la pression sur l’un ou l’autre des réacteurs.

On a souvent pu entendre depuis samedi que ces fuites contrôlées avaient engendré un niveau de radiations, autour de la centrale, « très supérieur à la normale ». Sauf que lorsque des experts calculaient ce que ce niveau signifiait, ils en arrivaient à des constats tels que « il faudrait 100 heures d’exposition d’affilée à un être humain pour que la radiation atteigne un niveau détectable dans le sang ».

Depuis mardi matin toutefois, ça pourrait être différent parce que la situation est « presque hors de contrôle » —c’est l’expression employée mardi par le porte-parole du gouvernement japonais lui-même. L’inquiétude a monté en flèche à cause de deux événements :

- la troisième explosion, vers 6h10 mardi matin (heure du Japon) a vraisemblablement causé des brèches dans l’enceinte de confinement du réacteur no 2. En fin de journée, l'inquiétude de ce côté avait eu le temps de retomber, pour être transférée aux déchets nucléaires; - un incendie autour du réacteur no 4 (rapidement maîtrisé) : ce réacteur était hors d’usage, mais y sont entreposés des déchets nucléaires, et la (brève) hausse du niveau de radiations émises semble venir de là.

[ Ajout 16 mars, 7h45 ] Plus précisément, les barres de combustibles radioactif en question (voir point suivant) surchauffent, et c'est probablement ce qui provoque un incendie; un premier a été rapidement maîtrisé (moins de deux heures) le 14 mars; un second a été "observé" dans la soirée du 15, et "n'était plus observé" une heure plus tard. L'eau qui continue d'être pompée aurait pu en venir à bout, mais cela ne veut pas dire que ces barres radioactives —donc, ces déchets nucléaires— ont cessé de surchauffer.

[ Ajout 16 mars, 21h ] « Hors de contrôle » : c’est le titre qu’a choisi aujourd’hui le journaliste de Nature qui suit (à distance) le déroulement des événements depuis vendredi:

À ce stade, il y a peu qui puisse être fait pour empêcher la chaîne des événements de continuer à détruire lentement les réacteurs. Les pics de radiations sur le site sont à présent [à des niveaux] assez dangereux pour imposer des équipes minimales et des rotations fréquentes de travailleurs (...) De façon réaliste, il y a peu que [la compagnie électrique TEPCO] ou le gouvernement puissent faire, sauf pomper de l'eau et souhaiter éviter le pire.

[ Ajout 17 mars, 23h55 ] Il faut voir comment le vocabulaire « de crise » évolue de jour en jour. Le bilan de l’Agence internationale de l’énergie atomique jeudi soir : la situation est « très sérieuse »... mais n’a pas empiré depuis hier.

Des déchets nucléaires dans une centrale nucléaire?

Effectivement, il faut bien les entreposer quelque part, ces « combustibles usés », en attendant de s’en débarrasser pour des siècles dans un véritable entrepôt souterrain de déchets radioactifs. Et c'est là qu'est à présent la grosse menace.

Il s'agit plus précisément de la « piscine » où sont gardées « au frais » ces barres de combustibles usés. En fait, les piscines, puisque chacun des réacteurs en abrite une à son étage supérieur, et chaque explosion a donc accru le risque d'exposer ces déchets à l'air libre.

Ceux du réacteur 4 se retrouveraient les plus à risque de laisser échapper leur radioactivité dans l’air, en raison d’une brèche dans le bâtiment, et parce qu’eux aussi se sont —peut-être— retrouvés « hors de l’eau » en raison des ratés des systèmes de refroidissement.

La compagnie d'électricité a reconnu lundi qu’elle n’avait pas été capable d’alimenter convenablement en eau froide ces piscines depuis le début de la crise, parce que toutes les ressources étaient dirigées vers les trois réacteurs en fonction. « Le numéro 4 [brûlait], et nous assumons que des radiations sont relâchées », a déclaré le porte-parole du gouvernement, Yukio Edano, lors d’une conférence de presse en fin de matinée mardi. [ Ajout 15 mars, 16h55 ] En fin de journée mardi, cette eau, ou ce qu'il en reste, « bouille », selon l'agence japonaise de surveillance du nucléaire. Si elle s'évapore, plus rien n'empêche les barres de combustible de surchauffer, et peut-être de brûler, expédiant leur contenu radioactif dans l'air. [ Ajout 15 mars, 22h55] Selon les médias japonais mercredi matin, les barres de combustible des deux autres réacteurs hors d'usage seraient également en train de surchauffer.

[ Ajout 17 mars, 23h55 ] Le gros élément nouveau jeudi soir, c’est la tentative réussie pour (re) connecter au réseau électrique le système de refroidissement du réacteur no 2. Ce sera certainement mieux que de larguer de l’eau par hélicoptère, mais le no 2 n’était pas celui dont l’état était le plus critique (et il n’abrite pas de déchets nucléaires).

[ Ajout 16 mars, 21h05] Et les évacués?

Un autre gros risque est une panique de masse. Quelque 200 000 personnes ont été évacuées des environs immédiats (soit 20 km à la ronde). La télévision japonaise parle d'abris qui commencent à manquer de nourriture. Les résidents doivent-ils rester et attendre, ou partir?

C'est aussi que mercredi, la télévision japonaise a rapporté un taux de radiations de 0,08 mSv à 25 km de la centrale. 0,08 n'est pas dangereux si vous êtes dehors pendant quelques heures. Ce n’est même pas dangereux si vous restez à l’intérieur. Mais qui veut entendre cette information? Qui veut parier sur le fait que « moins de X heures d’exposition » à ce niveau de radiations ne présente pas un risque pour la santé? Faut-il chronométrer ses sorties, ou vaut-il mieux s’en aller le plus loin possible vers le sud? Que feront ceux qui n’ont pas de voitures, ou ceux dont la voiture n’a plus d’essence, dans une ville où les stations-services sont à sec?

[ Ajout 17 mars, 23h55 ] Récits de « réfugiés nucléaires ». (17 mars)

Quelle est la prochaine étape?

Les efforts pour pomper de l’eau de mer à l’intérieur des trois réacteurs endommagés se poursuivent tant bien que mal, dans l’espoir de refroidir un tant soit peu ce combustible, mais les autorités ont du même souffle annoncé que 750 des 800 travailleurs de la centrale avaient été évacués mardi matin, pour éviter une trop grande exposition aux radiations.

[ Ajout 16 mars, 7h45 ] Une partie des 50 travailleurs restants ont également été évacués mercredi matin à cause du risque posé par les radiations puis ramenés lorsqu'ont été haussées les limites autorisées d'exposition aux radiations. S'ils sont en si petit nombre, comment contrôler la situation? Leurs recours ne sont pas nombreux: des lances d'incendie peuvent être utilisées pour envoyer de l'eau depuis une distance plus sécuritaire. On évoque aussi l'envoi d'hélicoptères. A proximité de la centrale les niveaux de radiation fluctuent beaucoup, en fonction sans doute des panaches intermittents de vapeurs radioactives qui s'échappent. À 20 km de là par contre, au-delà de la zone évacuée, les niveaux sont négligeables (peut-être parce que le vent souffle surtout vers l'océan).

Même dans le meilleur des scénarios, des fuites radioactives vont se poursuivre pendant des jours, voire des semaines : le temps que le combustible, à l’intérieur, refroidisse. Restera ensuite à démanteler la centrale, qui était condamnée dès le moment où on a commencé à utiliser de l’eau de mer.

[ Ajout 16 mars, 21h20] Et quand on en est rendu au point où le Canal météo ajoute les prévisions de radiations à son bulletin, c’est le signe que les choses vont très mal... ou que ce qui était très inquiétant est devenu très banal.

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