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Il y a deux semaines, un pipeline qui fuit en Alberta. La semaine dernière, la station de pompage d’un pipeline de l’Alberta qui fuit au Dakota. Et ainsi de suite. Jusqu'à peut-être 300 fuites, et plus, par année.

Des deux côtés de la frontière, des médias se mettent tout à coup à compter les fuites parce que deux gros projets de pipelines sont sur la table :

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- côté américain, le Keystone XL, de la compagnie du même nom; s’il est approuvé, il doublera les exportations de pétrole des sables bitumineux de l’Alberta vers les États-Unis. Un projet de 13 milliards, courant du Nord de l’Alberta jusqu’au Texas, à propos duquel les autorités américaines pourraient donner leur accord cette année. - Et côté canadien, le Enbridge Northern Gateway, un pipeline de 1170 km qui partirait lui aussi de l’Alberta, jusqu’au port de Kitimat, Colombie-Britannique, d’où le pétrole serait exporté vers les marchés bouillonnants de l’Asie. Un projet de 5,5 milliards$.

La compagnie Keystone est également derrière le pipeline TransCanada, celui qui a fui au Dakota du Nord. Selon le groupe écologique Les Amis de la Terre, TransCanada en serait à sa 12e fuite depuis son ouverture en juin 2010. La dernière, décrite comme ayant la taille d’un trou de « trois quarts de pouce », qui s’est produite le 7 mai, a éjecté 75 000 litres, ce qui se qualifie comme une fuite « mineure ». Elle a été colmatée et la station de pompage a repris ses opérations en fin de semaine.

Le pipeline TransCanada relie les sables bitumineux de l’Alberta à des usines de raffinage en Illinois et en Oklahoma.

De son côté, la compagnie Enbridge, qui est derrière l’autre gros projet nord-américain, a rapporté le 10 mai une petite fuite (407 litres) dans la ligne Norman Wells, près de Wrigley (Territoires du Nord-Ouest). Des groupes autochtones ont utilisé cet exemple dans leur marche à Calgary le 11 mai, à l’occasion de l’assemblée annuelle d’Enbridge, pour protester contre le projet Alberta-Colombie-Britannique qu’ils considèrent dangereux pour l’environnement.

Il faut dire que les adversaires de ce projet ont d’autres exemples à se mettre sous la dent : une fuite dans un autre pipeline d’Enbridge, en juillet 2010, dans l’État américain du Michigan, a envoyé 3 millions de litres dans la rivière Kalamazoo. Le pire désastre environnemental de l’histoire de cette région, qui fut alors estompé dans les médias par la crise qui frappait au même moment le Golfe du Mexique.

Et c’est sans compter la fuite du 29 avril dans le Nord de l’Alberta (dont nous parlions ici) : quatre millions et demi de litres (l’équivalent de deux piscines olympiques), ce qui en fait la plus grosse fuite en Alberta en 35 ans. Le nettoyage des terrains humides environnants pourrait prendre des mois. La filiale canadienne de la compagnie Plains All American affirme qu’il s’agit d’un événement « unique » (one-time event).

Mais cette compagnie américaine est également celle qui, en août 2010, s’est entendue avec l’Agence américaine de protection de l’environnement pour payer une amende de 3,25 millions$ pour 10 fuites de pétrole survenues dans quatre États du sud et du centre des États-Unis. Et 41 millions$ pour « mettre à jour » son réseau vieillissant de pipelines.

Plus de 300 fuites par année

Tout cela fait combien de fuites et combien de pétrole? Le site militant Desmogblog titre sur « 5000 fuites du pétrole de l’Alberta ». Ce titre s’appuie sur un rapport de 2007 du Bureau de l’énergie de l’Alberta, qui a recensé 5000 fuites de « liquides d’hydrocarbure » entre 1990 et 2005 — ce qui veut pratiquement dire une fuite par jour.

De ce nombre, 4717 ont libéré moins de 1000 litres de pétrole (des fuites « mineures ») et six en ont libéré entre un et 10 millions de litres.

Un autre rapport, publié en 2011 par le Conseil de défense des ressources naturelles de l’Alberta (un organisme environnemental), recense, entre 2002 et 2010, 218 fuites de plus de 100 litres par 10 000 milles de pipeline (16 000 km), contre 13,6 fuites aux États-Unis.

Plusieurs soulignent que de telles fuites sont inévitables, tant un grand nombre de pipelines sont vieux et rongés par la rouille. Ce qui pose la question de la réglementation, qui ne se serait pas adaptée au vieillissement de ces pipelines et ne serait donc pas à jour sur les risques environnementaux.

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