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Au début, c’était juste un épisode d’une guerre d’usure: dans une région du Pakistan, les Talibans ont annoncé qu’ils s’opposaient cette année à la vaccination contre la polio, pour protester contre les attaques de drones américains. Et soudain, d’aucuns se sont mis à en parler comme d’une «arme biologique»...

C’est que la menace ne pèse pas seulement sur les 161 000 enfants pakistanais de moins de cinq ans qui seront ainsi privés de vaccin dans une région appelée le Waziristan du nord. À l’heure de la mondialisation, ils ont beau vivre dans une province montagneuse, la menace plane aussi sur la tête du reste du monde.

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L’an dernier, il ne restait que cinq pays où la polio sévissait: le Nigéria, le Tchad, le Congo, l’Afghanistan et le Pakistan.

Depuis une vingtaine d’années, la campagne d’éradication de la polio est parvenue à se débarrasser avec succès de ce virus... presque, mais pas tout à fait. De 350 000 cas recensés en 1988, on est tombé à 650 cas en 2011, selon l’Organisation mondiale de la santé. Dont 198 au Pakistan. Et si les statistiques n’ont pas changé d’une année à l’autre, le taux de mortalité ne devrait pas dépasser 2 à 5%.

Sauf qu’un virus, ça évolue, et plus longtemps une souche résiste aux assauts des humains, plus le risque augmente que des virus mutants de la polio ne se répandent ailleurs. Et finissent par toucher des populations qui avaient été déjà vaccinées, mais chez qui le vaccin aurait cessé d’être efficace en raison de ces mutations.

Pire, dans certains pays, on a cessé de vacciner depuis des années.

Ces craintes, pour la communauté médicale, ne sont pas nouvelles: elles ont été maintes fois mentionnées depuis 10 ans, chaque fois qu’on apprenait que les campagnes de vaccination se heurtaient à des poches de résistance au Nigéria ou au Pakistan. En général, cette résistance était pour des motifs religieux, mais cette fois-ci, pour la première fois, c’est politique. Au point où d’aucuns y ont carrément vu une monnaie d’échange: vous cessez de tuer nos enfants avec vos drones, et nous ne tuerons pas vos enfants avec notre polio.

Rien dans la déclaration du commandant des Talibans du Waziristan du nord ne permet d’affirmer que son intention est d’exercer un tel chantage (la campagne de vaccination devait reprendre cette semaine). Il est plus vraisemblable qu’il s’agisse d’une retombée de la stratégie employée par la CIA l’an dernier —c’est sous le couvert d’une campagne de vaccination contre l’hépatite qu’elle avait apparemment débusqué le repaire d’Osama Ben Laden, tué en mai 2011.

Mais en termes froidement statistiques, cette forme de guerre biologique aurait du sens: selon le Bureau of Investigative Reporting de Londres, au moins 75 civils auraient été tués dans des attaques de drones au Pakistan en 2011, dont six enfants. Selon les statistiques de l’OMS, «seulement» trois enfants sont décédés de la polio l’an dernier au Pakistan. Drones contre polio, les statistiques sont donc en faveur des Talibans —avec, en sus, le risque que la maladie ne s’étende.

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