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Le vieux modèle de publication scientifique approche-t-il vraiment de sa fin? Coup sur coup, le gouvernement britannique annonce un virage vers l’accès libre... et la très à droite revue The Economist se prononce elle aussi pour la gratuité.

 

Il a suffi de trois semaines, après la publication du rapport d’un groupe de travail britannique —le rapport Finch— pour que le gouvernement britannique annonce, le 16 juillet, qu’il adhérait à l’essentiel de ses recommandations: à partir du 1er avril 2013, toute recherche financée en tout ou en partie par ses Conseils de recherche devra être publiée dans un journal «qui se conforme aux politiques sur l’accès libre» édictée par ces Conseils.

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Toutefois, le gouvernement britannique n’a pas l’intention de financer cette transition par de nouveaux budgets, ce qui risque de la freiner: on s’attend en effet à ce que les éditeurs des revues scientifiques résistent à l’idée d’afficher tous ces articles gratuitement, si aucun nouveau revenu ne leur est offert en compensation —et s’ils imposent ces nouveaux frais aux universités, c’est la recherche qui pourrait en souffrir.

La pression sur l’accès libre aux recherches scientifiques (open access) est néanmoins réelle : le 17 juillet, l’Union européenne proposait aussi de rendre les recherches financées en tout ou en partie par ses soins, accessibles à tous, à partir de la prochaine période de financement, qui court de 2014 à 2020.

Aux États-Unis, il y a déjà quelques années que le NIH (National Institutes of Health) «recommande» que les recherches qu’il a financées soient accessibles dans les 12 mois suivant leur publication, et toujours en Grande-Bretagne, le deuxième plus gros fonds de recherche privé du monde, le Wellcome Trust, a une politique similaire depuis 2005.

Dans un article publié le 21 juillet, même The Economist écrit que le temps du changement est venu pour la recherche scientifique:

S’il y a une entreprise dont les fruits devraient être disponibles gratuitement, c’est bien la science financée par le public. Moralement, les contribuables qui le souhaitent devraient être capables de la lire sans dépenses supplémentaires. Et la science progresse par fertilisation croisée entre projets. Les barrières à cet échange la ralentissent. Il y a un sentiment généralisé à l’effet que les éditeurs de journaux qui ont permis cet échange au cours du dernier siècle en sont devenus un obstacle.

Propos sévères pour un magazine économique, immédiatement suivis d’un rappel: en 2011, le plus gros éditeur scientifique Elsevier, a fait des profits de plus d’un milliard de dollars, ou 37% de ses revenus. C’est d’ailleurs une des raisons qui a provoqué cette pétition en appelant à un boycott d’Elsevier, qui a amassé plus de 12 500 signatures cette année.

Les éditeurs n’ont toutefois pas dit leur dernier mot. Le prestige associé à une publication dans une revue révisée par les pairs, a pour effet que nombre de scientifiques hésitent encore à se tourner vers les revues en accès libre —comme l’éditeur Public Library of Science, cité en exemple dans le rapport Finch— ou à déposer eux-mêmes leurs recherches en ligne.

Pour Stevan Harnad, un des pionniers de l’accès libre, attaché à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université de Southampton, le gouvernement britannique risque de se retrouver avec une facture imprévue, en privilégiant «l’accès or» plutôt que «l’accès vert»: le premier est le modèle des Public Library of Science, où l’auteur (ou son institution) paie une somme variant entre 1300 et 2900$ pour chaque article publié. La revue se finance donc ainsi, plutôt que par des abonnements. Le second («l’accès vert») est le modèle suivi par les NIH et le Wellcome Trust: les auteurs sont tenus de rendre leur article accessible gratuitement, mais seulement des mois après sa publication dans une revue qui, ainsi, peut continuer à vivre de ses abonnements.

 

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