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Les scientifiques qui en appellent à une réforme du système qui leur donne de bonnes et de mauvaises notes, auront un argument de poids: dans les sciences de la vie, les deux tiers des articles qui ont été retirés des archives depuis 1975 l’ont été pour des raisons d’inconduite —soit une fraude, ou une allégation de fraude.

C’est ce qui ressort d’une étude-coup de poing qui s’est penchée sur les 2047 articles qui, dans l’immense base de données PubMed, ont fait l’objet d’une rétractation entre 1975 et mai 2012.

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Les trois auteurs de cette étude ont décidé de ne pas se contenter de la notice qui, en tête de chacun de ces articles, donne la raison de la rétractation.

Ils sont plutôt remontés à la source, pour découvrir qu’une véritable fraude —avoir triché sur ses données, par exemple— était en cause dans deux fois plus de cas qu’on ne le pensait: jusqu’à 43% des cas. À l’inverse, une erreur de bonne foi était en cause dans 21% des cas.

À la défense des scientifiques honnêtes, il faut souligner que ces 2047 articles ne représentent que 0,01% des articles que contient PubMed. De plus, il semble que les sciences de la vie soient davantage soumises au risque de triche —compétition accrue, liens avec l’entreprise, gains financiers possibles— que la physique ou les mathématiques.

Mais ces statistiques n’en remettent pas moins sur le tapis un dysfonctionnement du système de publication, le fameux «publier ou périr», c’est-à-dire ce système par lequel les scientifiques sont «notés», depuis les débuts du 20e siècle. Autrement dit, on évalue l’avancement de la carrière par le nombre de publications et leur prestige. Or, au cours des 20 dernières années, la pression n’a cessé de grossir pour publier de plus en plus, et de plus en plus vite, avec tous les risques de dérapage.

La dernière alerte remonte à octobre 2011, lorsque la revue Nature avait rapporté une croissance inquiétante du nombre de rétractations dans la dernière décennie. Mais l’élément nouveau de la recherche parue cette semaine, c’est le nombre inquiétant de ces rétractations attribuable à de la fraude, plutôt qu’à des erreurs de bonne foi.

«Nous avons découvert que le problème était pire que prévu», a déclaré depuis lundi, sur bien des tribunes, le microbiologiste Arturo Casadevall, du Collège de médecine Albert-Einstein, à New York. Celui-ci, au cours des deux dernières années, s’est transformé en un spécialiste de ce problème (voir La science dysfonctionnelle et Gros impact, gros retrait).

«Nous n’avons pas vu cette profondeur d’analyse auparavant», se réjouit Ivan Oransky, l’un des deux blogueurs de Retraction Watch, un blogue qui a été l’une des sources d’information de Casadevall et de ses deux collègues pour débusquer les vraies raisons d’une rétractation.

Car l’un des problèmes que cette étude fait surgir, c’est que les notices que plusieurs revues mettent en ligne pour expliquer pourquoi tel article a été retiré des archives, en disent fort peu, surtout quand il s’agit d’une fraude. «Si les journaux scientifiques, poursuit Oransky, sont aussi intéressés à corriger la littérature qu’ils nous le font croire», alors les plus fautifs devraient prendre exemple sur les plus transparents, qui se sont déjà dotés de politiques rigoureuses sur les informations qu’il convient d’inscrire dans cette notice.

Paradoxalement, la hausse des rétractations peut aussi être un bon signe: à l’heure d’Internet, les chercheurs sont davantage scrutés, et la seule existence d’un blogue tel que Retraction Watch en témoigne. Les fautifs ont donc la partie moins facile.

Mais la tentation de frauder sera là tant que se maintiendra le système actuel, par lequel une publication dans une revue prestigieuse peut faire la différence entre une subvention et un laboratoire qui ferme. «Je ne pense pas, déclare Casadevall au New York Times , que ce problème va disparaître, aussi longtemps que vous aurez ce système de récompenses disproportionnées.»

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