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Pour la première fois, le nombre de rétractations d’articles —des textes retirés des archives d’une revue scientifique— a dépassé cette année la barre des 10 000. Dont 8000 proviennent du même éditeur. 

Le phénomène des rétractations prend de multiples formes: il peut s’agir des auteurs eux-mêmes qui demandent que leur article soit retiré parce qu’ils y ont détecté une erreur. Mais les rétractations dont on parle le plus ont une origine extérieure: ce sont des experts du domaine ou des « experts en intégrité » qui signalent à la revue ayant publié l’article que celui-ci est « préoccupant », en raison de soupçons de plagiat, d’images qui ne correspondent pas au contenu, ou carrément de fraude. 

L’éditeur aux 8000 rétractations, Hindawi, est une filiale britannique d’un géant de l’édition scientifique, Wiley. Le plus gros de ces rétractations est associé à des « numéros spéciaux », qui sont, dans le cas de cet éditeur, des numéros supervisés par des « éditeurs invités ». Les données proviennent d’une compilation de la revue Nature, publiée le 12 décembre. 

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Or, ce n’est pas la première fois que ces « hors-séries » sont pointés du doigt: un reportage de la même revue Nature publié en novembre 2021 avait conclu que des « escrocs » se saisissaient de cette opportunité pour offrir leurs services comme « éditeurs » et publier ainsi à toute vitesse des articles de faible qualité ou carrément erronés, moyennant paiement. 

Le 6 décembre, Wiley annonçait qu’il cesserait d’utiliser la marque Hindawi et mettait « temporairement » fin aux « numéros spéciaux » —une pratique qui lui rapportait entre 35 et 40 millions$ de revenus par année, précisait alors le directeur de Wiley, Matthew Kissner. 

Quelque 10 000 rétractations ne représentent qu’une minuscule fraction des millions de recherches publiées chaque année à travers le monde. Mais chacun de ces articles peut avoir été cité plusieurs fois par d’autres chercheurs avant d’avoir été retiré: un effet boule de neige qui n’est pas sain pour la communauté scientifique, comme le répètent régulièrement les deux fondateurs du blogue Retraction Watch, chaque fois qu’on leur demande pourquoi ils dépensent tant d’énergie à traquer ces recherches douteuses. 

Le phénomène, qui est devenu plus facile à repérer avec la croissance du nombre d’experts qui agissent à titre de « chiens de garde » —et d'outils pour détecter les plagiats— est rarement visible du grand public, sauf lorsqu’une vedette se retrouve dans la liste. C’est le cas du microbiologiste français Didier Raoult, dont deux des recherches ont été rétractées en octobre, tandis qu’une cinquantaine d’autres font en ce moment l’objet d’une enquête interne et d’un avertissement (en anglais, expression of concern). 

L’analyse de Nature contient une autre information gênante pour les premiers concernés: parmi les pays qui ont publié au moins 100 000 articles depuis deux décennies (ce qui veut dire qu’au moins un des signataires provient de ce pays), l’Arabie saoudite a le plus haut taux de rétractations (30,6 pour 10 000), suivie du Pakistan (28), de la Russie (25) et de la Chine (23,5).

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