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C’est la physique du 20e siècle qui est résumée par le Nobel 2012: la lumière est-elle faite de matière ou d’énergie? Einstein a résolu le dilemme en démontrant qu’elle était «aux deux», et depuis, la face de la science en a été changée. On cherche encore, un siècle et des poussières plus tard, à en démêler les implications dans l’infiniment petit monde du quantique.

C’est le paradoxe du chat qui serait à la fois mort et vivant, tant qu’on n’a pas ouvert la boîte... parce qu’il «choisirait» l’un ou l’autre état au moment où on ouvre la boîte. En réalité, dans le cas d’un photon, s’ajoute une petite difficulté: il est détruit par le simple fait d’être étudié. On ne peut pas sortir un photon de sa boîte pour l’autopsier.

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Comment traduire ces étrangetés en quelque chose de compréhensible? Où passe la frontière entre l’un et l’autre état? Où passe la frontière entre la physique quantique et la physique de tous les jours? Une façon de répondre à ces questions serait de réussir à étudier des photons sans les détruire, et c’est un début de réponse, pratique et non théorique, qu’ont apporté, chacun de leur côté, les équipes des Nobels de physique 2012, le Français Serge Haroche et l’Américain David J. Wineland.

Ce qu’a réussi David J. Wineland, de l’Université du Colorado, c’est de capturer des atomes chargés électriquement (des ions), de les contrôler et de les mesurer avec l'aide de photons. À l’inverse, ce qu’a réussi Serge Haroche, du Collège de France, en 2007, c’est de contrôler et de mesurer des photons en envoyant des atomes à travers un piège.

Serge Haroche lui-même tentait de traduire cette double approche dans un texte paru en 1997 dans le magazine La Recherche:

Deux expériences, publiées l'année dernière, ont permis de manipuler une version réduite du chat de Schrödinger. Dans l'une, faite au NIST à Boulder (Colorado, Etats-Unis) par le groupe de David Wineland, le chat est remplacé par un atome unique piégé dans un champ électrique. Cet atome oscille avec deux phases différentes à la fois, partant simultanément à un instant donné dans deux directions opposées! Dans l'autre expérience, réalisée par notre équipe à l'École normale supérieure, le rôle du chat est tenu par un champ constitué de quelques photons emprisonnés dans une boîte. Ce champ oscille, lui aussi, avec deux phases différentes à la fois. Les deux expériences ont permis de détecter des interférences associées à l'existence de superpositions quantiques d'états. Mais la nôtre a permis en outre d'observer le moment où ces interférences disparaissent.

En 2007, l’expérience française, décrite dans Nature , est devenue une «boîte» contenant deux «miroirs» supraconducteurs conçus de telle façon que le photon y rebondit pendant une très longue période... un dixième de seconde. «Et pendant cette longue vie, écrit le comité Nobel, plusieurs manipulations quantiques peuvent être réalisées sur le photon emprisonné».

Vers l’ordinateur quantique

L’optique quantique, le domaine de la physique auquel tout cela appartient, a déjà donné d’autres Nobels: plus d’une demi-douzaine depuis 1966 —tous sauf un depuis les années 1980— et ils le doivent à une invention révolutionnaire, le laser.

Mais à travers ces percées du dernier demi-siècle, se dessine ce qui pourrait être une autre invention tout aussi révolutionnaire: l’ordinateur quantique. Un ordinateur qui, dans certaines circonstances, posséderait des capacités de calcul de loin supérieures à celles d'aujourd’hui : plutôt que d’être prisonnier des méthodes d’entreposage de l’information basées sur les zéros et les uns, il emmagasinerait avec des atomes ou des photons.

On est loin de cet ordinateur quantique, puisqu’il faut d’abord apprendre à contrôler et mesurer cette nature destructrice des photons. Mais l’objectif final est très clairement dans la ligne de mire des expériences imaginées par les David Wineland et Christopher Monroe, Serge Haroche et Michel Brune, et d’autres.

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