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Les scientifiques bénéficient d’une belle réputation auprès de la population québécoise. La majorité des participants à la Grande enquête web Les Québécoises, les Québécois et la science, réalisée par l’Association Science et bien commun et l’Agence Science-Presse, leur accordent en effet une grande crédibilité (70%), bien loin devant les politiciens (20%).

«C’est l’héritage du Siècle des Lumières. Les scientifiques ont le souci de l’objectivité et de la recherche des connaissances», explique Normand Baillargeon, professeur en sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Montréal et essayiste, interrogé sur quelques résultats dévoilés le 28 novembre dernier lors des Rencontres science et société de Québec.

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Objectivité et rigueur seraient d’ailleurs les qualités premières qui sont prêtées aux chercheurs bien avant l’honnêteté, la responsabilité sociale ou encore la curiosité. Des exigences, soulignées par les 502 participants de l’enquête, qui bâtissent cette confiance envers les scientifiques et leur confèrent la place importante qu’ils occupent dans l’opinion publique.

Grand appétit, petite assiette

Les Québécois interrogés lors de cette enquête affirment avoir soif de science, et bien que 56 % considèrent que la couverture médiatique de la science s’avère insuffisante, 64% d’entre eux se disent plutôt bien ou très bien informés.

Ils s’informent de manière très conventionnelle, principalement à travers les grands médias, la télévision et ses émissions de vulgarisation (Découverte ou La semaine verte), et à la radio (Les années lumière). Ils sont moins nombreux à consulter les médias plus spécialisés ou les blogues.

«C’est normal, mais ça ne suffit pas. Trop peu de Québécois s’alimentent à de l’information scientifique pointue, et pourtant nécessaire, pour comprendre les enjeux scientifiques actuels», souligne le philosophe.

Les raisons de ce désintérêt seraient multiples, explique-t-il. «Fort analphabétisme de la population en général, manque de culture générale des élèves et formation scientifique des jeunes insuffisante.» De nombreux Québécois avouent en effet qu’ils seraient encore plus intéressés par les sciences si elles rejoignaient leurs préoccupations citoyennes (33%) et si l’information était plus vulgarisée (27%).

Par ailleurs, il trouve réconfortant la place notable qu’occupent les sciences sociales et humaines chez les Québécois —52% pensent qu’elles aident à comprendre le monde et 49% qu’elles améliorent les politiques publiques—, mais regrette la formulation trop vague de la question sur les finalités de la recherche scientifique: «86% pensent qu’elle sert à résoudre les problèmes de l’humanité. De quels problèmes parle-t-on: du sida ou des changements climatiques?»

Alors que le climat politique fédéral tend à écarter les scientifiques des tribunes et que le financement à la science recule, il aurait aussi aimé que l’enquête interroge plus amplement les Québécois à ce sujet. «Ce qui se passe au Canada est quelque chose de gravissime. Je trouve encourageant qu'une si grande proportion de gens (72%) soient au courant de ce fait crucial, même s'il s'agit d'un échantillon de personnes qui ne représente pas toute la population.»

Cette enquête, «à la fois large et vaste», constitue néanmoins «un coup de sonde intéressant», précise M. Baillargeon. Il y manque sans doute encore certaines interrogations sur la place prépondérante de l’entreprise et des intérêts privées au sein des universités —un enjeu présent au Québec depuis 20 ans— et l’évaluation de la politique canadienne en matière de science.

Enfin, il souligne aussi qu’il faut prendre ce récent sondage avec des pincettes, car «l’échantillon peu représentatif de la population générale —fort niveau scientifique et scolarisé— ne permet pas de généraliser, bien que cela ouvre des avenues intéressantes de réflexion ».

L’interprétation des résultats de cette récente enquête fera l’objet d’un essai de maîtrise et d’une thèse de doctorat. En attendant, il est possible pour tous de consulter les données brutes du sondage et d’y aller de sa propre analyse. Ces données sont en effet ouvertes à tous.

L'Agence Science-Presse a collaboré à cette enquête en formulant certaines questions.

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