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Certains ont bien ri des théories du complot autour de la disparition du vol MH370 —des extraterrestres, Al-Qaïda, un secret industriel, le gouvernement chinois ou américain... Mais on aurait tort d’en rire: les théories du complot seraient une conséquence inévitable de la façon dont notre cerveau fonctionne.

Ça expliquerait une autre nouvelle parue cette semaine: 49% des Américains croient à plus d'une théorie médicale du complot. Le lien entre vaccin et autisme, les Noirs infectés du sida par leur gouvernement, le même gouvernement qui sait que le téléphone cellulaire cause le cancer mais cache la vérité: si on croit à l’une de ces théories, on aurait donc une chance sur deux de croire à une autre.

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Or, il n’y a rien là d’anormal, explique dans le New Scientist le psychologue Rob Brotherton qui, avec deux collègues britanniques, s’est intéressé ces deux dernières semaines aux histoires forgées de toutes pièces autour de la disparition du vol MH370. En premier lieu, «face à l’inexpliqué, nous sommes poussés à chercher une intention plutôt qu’un accident», parce que c’est plus rassurant. Mais pour que dans cette «intention», on cherche à voir un complot, plutôt qu’une cause plus plausible —un détournement, une bombe— il faut un ingrédient supplémentaire: il faut qu’on soit soi-même déjà prompt à imaginer des complots. Dans les mots de Rob Brotherton:

Notre analyse préliminaire montre une relation entre le fait d’appuyer l’explication [de la disparition de l’avion] par un complot et le fait d’accepter les théories du complot en général... Ceux qui pensent que les théories du complot sont bidon tendent à supposer que la disparition est un accident.

Les journalistes sont sans doute les premiers à l’avoir compris. Dans les mots de Bob Garfield, à l’émission On the Media du 14 mars:

Comme cet épisode le montre encore une fois, il n’existe ni mystère ni tragédie qui ne soit trop mystérieux ou tragique pour ne pas s’ajuster confortablement dans les images préconçues qu’entretient une personne sur les événements mondiaux.

C’est que nul n’a suffisamment d’informations pour affirmer quoi que ce soit avec certitude —sinon, on l’aurait retrouvé, l'avion. Et c’est ainsi que fonctionne notre cerveau: il classe les faits d’une certaine façon, il tente de mettre de l’ordre, mais chaque personne ordonne les faits suivant un ordre qui n’appartient qu’à elle.

Brotherton admet n’avoir rien inventé. Ces dernières années, d’autres psychologues ont étudié les liens qu’on peut tracer entre le fait d’être, par exemple, climatosceptique, et l’idéologie politique ou le système de valeurs qu’on entretient. C’est lié là aussi, disent-ils, à la façon dont notre cerveau fonctionne: accepter certains faits et en rejeter d’autres, afin qu’ils se «classent» adéquatement dans notre système de valeurs. C’est pourquoi, a notamment investigué le psychologue Dan Kahan, il peut être très difficile de faire démordre quelqu’un d’une idée forte, peu importe la qualité des contre-arguments qu’on lui présente.

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