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Le résumé pour les décideurs pondu par le GIEC en complément de chaque rapport n’est pas un résumé «pour» les décideurs, mais «par» les décideurs. C’est du moins la frustration que ressentent bien des chercheurs, ces dernières semaines, devant un processus politique qui, à leurs yeux, ne rend pas justice à leur travail.

Coup sur coup depuis mars, le Groupe des Nations Unies sur les changements climatiques a publié les volumes deux et trois de son 5e rapport. Et comme c’est l’usage, la publication de chacun a été précédée d’une réunion intensive d’une semaine —l’une à Yokohama, l’autre à Berlin— au cours de laquelle des représentants de tous les pays ont débattu, virgule par virgule, du langage qu’il convient ou non d’inclure dans le résumé.

Le résultat final en déçoit plusieurs, au point de remettre en question leur participation à un éventuel futur processus.

«Ça m’a personnellement déprimé», commente l’économiste néerlandais Reyer Gerlagh. Je fais le gros de ce travail les fins de semaine, les soirs et pendant les vacances. Mon paiement n’est pas en argent ou en temps, mais parce que je crois que je peux contribuer à la société en fournissant cette information.

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Ces négociations n'altèrent en rien les rapports proprement dits —2500 pages dans le cas du volume deux sur «Impacts et adaptations» et 2000 pages dans le cas du volume trois sur les scénarios pour atténuer les impacts. Mais les résumés, justement parce qu’ils sont courts (respectivement 48 et 33 pages), sont lus et utilisés par beaucoup de gens, dont des journalistes, des relationnistes de groupes écologistes et des décideurs politiques.

Or, les gouvernements sont nombreux à faire pression pour que telle ou telle partie soit atténuée, ou carrément retirée. L’exemple le plus souvent cité ces dernières semaines a été un graphique: illustrant la contribution aux émissions de gaz à effet de serre des différentes nations, classées par PNB, il faisait trop ressortir au goût des pays en voie de développement à quel point la croissance des émissions polluantes était de leur côté. Le graphique a été retiré.

Dans une lettre adressée aux coprésidents de son groupe de travail, Robert Stavins, de l’Université Harvard, qualifie les problèmes de «structurels, pas personnels»:

Je ne crois pas que la responsabilité incombe à un pays ou un groupe de pays. Au contraire, presque tous les délégués ont démontré la même approche, à savoir que tout texte jugé incompatible avec leurs intérêts et leurs prises de position dans les négociations multilatérales devait être traité comme inacceptable.

 

Demander à ces négociateurs expérimentés [de la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques] d’approuver un texte qui évalue une littérature scientifique dont ils sont eux-mêmes des parties intéressées, crée un conflit d’intérêts irréconciliable.

 

Après avoir donné en exemple deux cas où des paragraphes ont dû être retirés à la demande de seulement un ou deux pays, Stavins conclut:

[Le GIEC] ne devrait pas placer des représentants de pays dans cette position inconfortable et intenable où ils doivent réviser un texte dans le but d’en arriver à un accord unanime. De même, le GIEC ne devrait pas demander aux auteurs principaux de donner un temps bénévole énorme sur plusieurs années pour accomplir un travail qui sera inévitablement rejeté par les gouvernements dans le Résumé pour les décideurs.

 

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