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Le jour que craignaient les services de santé de bien des pays est arrivé: le premier cas d’Ebola diagnostiqué en Amérique du Nord. En fait, le premier cas d’Ebola diagnostiqué hors d’Afrique lors de la présente épidémie. Faut-il s’en inquiéter? Non. Une campagne alarmiste va-t-elle commencer? Probablement.

Allons-nous tous mourir?

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Un jour, inévitablement, mais pas d’Ebola.

Comment une personne atteinte d’Ebola a-t-elle pu entrer aux États-Unis si les mesures de sécurité sont aussi strictes?

Prendre la température d’un passager avant qu’il ne monte à bord d’un avion est une mesure de sécurité certes, mais loin d’être infaillible: les symptômes d’Ebola n’apparaissent que huit à 10 jours après l’infection. L’homme dont il est question ici a quitté le Libéria le 19 septembre et est arrivé à Dallas, Texas, le 20. Les symptômes ont commencé à se manifester le 24 septembre, selon les informations dévoilées mardi soir par le Centre de contrôle des maladies (CDC). Ce qui veut dire que les 19 et 20 septembre, cet homme n’était pas contagieux. Les autres passagers de l’avion n’ont rien à craindre.

Étant donné de ce qu’on ignore d’Ebola, comment peut-on affirmer que cet homme n’était pas contagieux avant le 24 septembre?

Bien qu’il subsiste une incertitude sur les origines animales d’Ebola (la chauve-souris?) et une incertitude encore plus grande sur son traitement, on sait en revanche comment le virus se transmet: par contact direct avec le sang ou les fluides d’une personne malade. L’homme de Dallas n’était pas malade les 19 et 20 septembre. Il y a un risque à partir du 24 septembre pour ses proches et pour le personnel soignant.

Donc, il a été tout de suite mis en quarantaine le 24 septembre?

Non, et c’est là une question à laquelle le CDC n’a pas répondu mardi soir (ou qui n’a pas été posée) : comment se fait-il que lors de sa première visite à l’hôpital, le 26 septembre, cet homme n’ait pas été immédiatement testé pour Ebola — étant donné qu’il arrivait tout de même du Libéria?

Ce n’est que le 28 qu’il a été mis en quarantaine. La cause de l’infection a été formellement identifiée le mardi 30 septembre, et c’est quelques heures plus tard que le CDC tenait cette conférence de presse. Depuis le 28, les services de santé de Dallas tentent de retracer toutes les personnes avec qui le malade a été en contact. Le CDC n’a pas dévoilé combien de personnes cela représente. [ mise à jour - voir les commentaires ] 

Pourtant, l’infection se répand à une telle vitesse dans les pays africains touchés : plus de 3000 morts...

Il ne faut pas mettre l’Afrique et l’Amérique sur le même pied. L’épidémie a profité du fait que la réaction internationale a été d’une coupable lenteur, étant donné que ces pays ne disposent pas de l’infrastructure médicale pour isoler tous ceux soupçonnés d’être malades. Le grand nombre de gens soignés à la maison et les rites funéraires, ont par ailleurs contribué à la dispersion de la maladie. Enfin, le manque d’information, ou l’insensibilité face à la méfiance des populations locales, ont carrément créé de l’hostilité. Des gens ont refusé de se faire soigner, certains ont fui les cliniques.

Quel est le taux de survie?

Cette question représente un «défi statistique». Lors d’épidémies précédentes, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) parlait d’un taux de décès de 90%. Toutefois, cette année, on voyait au début de septembre, des chiffres tels que 64% en Guinée et 39% en Sierra Leone.

Ces chiffres sont à prendre avec des pincettes. Bien des malades sont sûrement morts dans leur communauté, sans être recensés. Il est probable que là où l’épidémie s’est répandue le plus vite, bien des malades n’ont pas été diagnostiqués, faute d’avoir le personnel nécessaire. En revanche, il semble possible de traiter l’Ebola dans certaines circonstances (indépendamment des éventuels vaccins et sérums en préparation). Injecter des fluides par intraveineuse pour contrer la déshydratation, stabiliser la pression sanguine et le taux d’oxygène, font partie des mesures recommandées par le CDC et l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Y aura-t-il d’autres cas en Amérique du Nord?

Statistiquement inévitable. Avec plus de 6500 cas déclarés en Afrique de l’ouest et la possibilité de dépasser les 20 000 avant la fin de l’année selon l’OMS, il y aura des travailleurs humanitaires et des proches qui prendront l’avion sans savoir qu’ils sont infectés. Mais autant les États-Unis que le Canada et les pays européens ont les moyens pour isoler ces malades et leurs proches —des moyens qui, s’ils avaient été à la disposition des Guinéens ou des Libériens, auraient jugulé l’épidémie depuis des mois.

Le pire est-il derrière nous?

C’est difficile à dire. Le Nigéria n’a plus signalé de nouveaux cas depuis des jours, mais il a été le pays le moins touché, et de strictes mesures ont pu contrôler la progression de l’épidémie. En Guinée, au Libéria et en Sierra Leone, les plus pessimistes prétendent que le nombre de cas et de décès «officiels» sous-estimerait dangereusement la réalité. À la mi-septembre, les États-Unis ont annoncé l’envoi imminent de 3000 personnes et une aide financière et technique d’urgence. Mais l’impact de ces mesures pourrait mettre des semaines.

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