dreamstime_xs_21247902.jpg

Pendant un instant, d’aucuns ont cru que ça y était: une étude aurait démontré que le biais sexiste limitant l’embauche de femmes en science avait finalement été levé, et qu’on était passé de l’autre côté du miroir. C’était toutefois une étude en psychologie avec les faiblesses de bien des études en psychologie.

 

«Leurs données ne soutiennent pas leurs conclusions», conclut succinctement la journaliste Lisa Grossman dans le New Scientist . «Leur travail souffre d’une faille méthodologique dès sa prémisse et leurs conclusions ne correspondent pas aux objectifs de leur étude» lance plus cruellement la sociologue Zuleyka Zevallos. Qui ajoute que c’est la deuxième fois en moins d’un an que ces chercheurs ont lancé «une fausse controverse» en annonçant «la fin du sexisme en science».

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

En octobre dernier en effet, ces deux professeurs de psychologie à l’Université Cornell, Wendy Williams et Stephen Ceci, avaient allégué —dans une recherche et dans une lettre d’opinion parue dans le New York Times— que l’inégalité des genres dans certaines disciplines scientifiques venait tout bonnement du fait que les femmes n’entraient pas dans certaines de ces disciplines scientifiques (notamment les mathématiques) alors que leur nombre était au contraire en croissance dans la plupart des autres disciplines depuis les années 1970. Un argument qui aurait pu se débattre s’ils n’avaient pas aussi affirmé, sur cette base, que le sexisme était mort. Cette fois, ils ont prétendu avoir apporté des preuves que le sexisme dans l’embauche des femmes en science était un «mythe».

Leur nouveau travail dont les résultats sont parus le 8 avril dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences , a consisté à envoyer les biographies de trois candidats fictifs —dont une femme— à 873 universitaires dans 371 institutions, qui devaient les noter, en vue d’une embauche à un poste permanent. Et, surprise! Contrairement à ce que d’autres études du même genre avaient conclu ces dernières années, c’est la candidate féminine qui a été deux fois mieux notée que les autres.

Le problème, c’est que l’embauche ne repose jamais que sur la lecture d’une biographie. Autrement dit, cette recherche constitue une expérience psychologique intéressante, mais sans applications dans le monde réel —un cas qui n’améliorera pas la cause de la recherche en psychologie, pas mal ébranlée par les temps qui courent.

C’est encore pire si les 873 universitaires se sont doutés qu’il s’agissait d’une expérience visant à détecter les préjugés sexistes...

Les deux psychologues de Cornell, n’ont pas amélioré leur cause auprès de leurs critiques en publicisant leurs résultats dans une lettre sans équivoque publiée le 13 avril sur le site de CNN:

 

Notre interprétation est que ces données signifient que les biais anti-femmes à l’université sont disparus. L’évolution des pratiques culturelles, la prise de conscience et les tendances telles que les départs à la retraite nous ont conduits à une époque où les femmes en science sont vues comme de meilleures candidates à l’embauche que des hommes, à compétence égale.

 

Même si leur étude avait reposé sur davantage qu’une biographie ou la lecture d’un CV, elle n’en serait pas moins fragile. Prendre pour acquis que «le mythe» des difficultés des femmes en science se résume à l’embauche est hasardeux, écrit la chercheuse en sciences de l'éducation Marie Claire Shanahan, alors que la recherche sur les biais a derrière elle des décennies de travaux sur le sexisme en milieu de travail et le harcèlement, le syndrome de l’imposteur et les préjugés, sans parler du choix d’avoir un enfant et des priorités familiales.

 

 

Je donne