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Le portrait des premiers Amérindiens se précise depuis quelques années, mais il se complexifie également : ainsi, ce mois-ci, à partir d’un même lien avec des peuples de l’Océanie, deux équipes de généticiens tirent deux interprétations différentes.

Les faits : l’ADN de quatre groupes de l’Amazonie présente des similarités «significatives» avec l’ADN d’habitants de l’Australie et de la Nouvelle-Guinée.

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Les interprétations :

  • L’étude parue le 21 juillet dans Nature conclut à deux migrations entièrement distinctes : l’une, celle traditionnellement établie, qui est passée par le détroit de Bering mais dont les descendants ne peupleraient aujourd’hui que l’Amérique du Nord et l’Amérique centrale; l’autre, plus récente, qui aurait longé la côte du Pacifique jusqu’à ce que ces descendants peuplent l’Amérique du Sud.
  • L’étude parue le même jour dans Science (image ci-contre) conclut plutôt que ces deux migrations n’en font qu’une, survenue il y a, au plus, 23 000 ans: tous les Amérindiens (sauf les Inuits, arrivés plus tard) partageraient donc des ancêtres avec les peuples indigènes d’Australie et d’Océanie, mais les gènes de ces derniers se seraient davantage dilués à mesure que certaines familles amérindiennes s’éteignaient; la «famille» amazonienne serait la seule à avoir conservé un plus grand pourcentage de ces gènes «océaniens».

Deux scénarios avec des points communs

Toutefois, les deux interprétations —qui reposent sur des comparaisons entre des génomes d’aujourd’hui et ceux contenus dans d’anciens squelettes— ne sont pas aussi contradictoires qu’elles en ont l’air. C’est que si on a pris l’habitude de dire que les premiers Amérindiens étaient des habitants de Sibérie qui avaient franchi le détroit de Bering séparant la Sibérie de l’Alaska, en revanche, on a peu de données génétiques pour démêler la généalogie pré-Sibérie : ces gens arrivaient-ils directement de l’Ouest? Ou bien étaient-ils passés par l’Asie du Sud-Est, là où certains d’entre eux auraient poursuivi encore plus au Sud —la Nouvelle-Guinée et l’Australie— tandis que d’autres auraient obliqué vers le Nord —la Sibérie puis l’Amérique?

Les deux interprétations se rejoignent aussi sur un point : il y a moins de 15 000 ans, une ou des populations d’Amérique ont été poussées à l’extinction par des arrivants plus récents —peut-être par manque d’espace, par des conflits ou par simple assimilation dans un groupe plus nombreux.

Il y a toutefois un scénario populaire que rejettent les deux équipes: ces ancêtres d’Océanie, appelés la population Y, n’ont pas traversé directement le Pacifique, de l’Australie jusqu’à l’Amérique du Sud. Bien que cette histoire ait eu de nombreux adeptes au fil des décennies, les données génétiques ne la soutiennent pas.

Au final, la grosse difficulté, qui explique ces interprétations contradictoires, est de mettre des dates précises sur tout cela. L’équipe du généticien danois Eske Willerslev (au coeur d’une autre recherche-clef mentionnée ici) parle dans Science d’une division en deux familles survenue il y a 13 000 ans. L’article dans Nature évoque l’impossibilité de trancher si la migration de la «population Y» est survenue avant ou après la migration principale, qu’ils situent il y a 15 000 ans. En revanche, l’article dans Science évoque que la séparation entre Amérindiens et Asiatiques pourrait remonter à 23 000 ans. Davantage de génomes anciens sont espérés.

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