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Une étude génétique qui repousse les frontières des origines des Amérindiens a peut-être évité un champ de mines... en engageant un dialogue avec des groupes d’Amérindiens de la région.

La découverte scientifique: les restes d’un garçon de trois ans, enterré avec soin il y a 12 600 ans au Montana, contiennent des gènes qui démontrent sa filiation avec des groupes amérindiens s’étendant de l’Amérique du Nord à l’Amérique du Sud. Le tout fait l’objet d’un article paru le 13 février dans Nature.

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On présume qu’il appartenait à une famille importante, parce qu’un outil en os enterré avec lui avait été façonné environ 150 ans plus tôt. Cet objet, et d’autres retrouvés à proximité, avaient conduit les archéologues à ranger cet enfant dans ce qu’ils appellent «la culture Clovis»: une période allant de 13 000 à 12 500 ans, très courte, mais correspondant à ce qu’on a longtemps cru (à tort) être les plus anciennes traces archéologiques des Amériques.

Quant à son génome, il suggère que, très tôt après la traversée du détroit de Bering (il y a 15 000 ans?), une division s’est faite entre deux groupes, un dont les descendants sont aujourd’hui aux États-Unis, en Amérique centrale et en Amérique du Sud, et l’autre dont les descendants sont dans le nord du Canada et au Groenland —avec, entre les deux groupes, une frontière pour l’instant indéfinissable.

Le contexte social : le paléobiologiste Eske Willerslev, de l’Université de Copenhague, a effectué l’automne dernier une tournée des communautés amérindiennes du Montana pour expliquer son travail et chercher leur appui. Parce qu’en vertu de la loi américaine sur le rapatriement des restes humains, chaque tribu pourrait réclamer qu’on lui restitue des ossements qu’elle considère être ceux de ses ancêtres. Le cas le plus célèbre avait été celui de «l’homme de Kennewick», un squelette de 9000 ans qui avait donné lieu à une dispute judiciaire de huit ans.

Le garçon du Montana

Les ossements dont il est question ici font partie d’un ensemble de 100 restes et artefacts découverts en 1968 près d’un ranch appartenant à la famille Anzick —dont la fille, Sarah, fait aujourd’hui de la recherche en génomique. Pas la génomique des squelettes, mais celle du cancer, ce qui ne l'a pas empêchée de devenir l'une des co-signataires de l’article paru dans Nature.

Les artefacts ont été attribués à l’époque à la culture Clovis, faisant de ce site le seul où on ait retrouvé côte à côte de tels objets et des ossements.

En 2010, l’archéologue Michael Waters, de l’Université du Texas A&M convainc les Anzick d’envoyer des fragments d’os au Danemark, où le laboratoire de Eske Willerslev vient de publier le génome d’un Groenlandais de 4000 ans. Ils parviennent à en extraire de l’ADN. Ils le comparent avec des échantillons d’ADN de 153 populations modernes, dont 52 nations amérindiennes des trois Amériques. Et en 2013, les résultats tombent : le génome du garçon est bel et bien un très proche cousin d’une bonne partie des Amérindiens d’aujourd’hui.

À l’automne 2013, des rencontres avec des chefs locaux ont lieu au Montana avec notamment Willerslev et un des co-auteurs, Shane Doyle, lui-même un membre de la nation crow, du nord-ouest américain. Le geste est bien accueilli, mais avec des bémols, signale le New Scientist :

La plupart des gens à qui ils ont parlé avaient peu de problèmes avec la recherche, selon Doyle, mais certains auraient préféré avoir été consultés avant que l’étude ne commence, et non des années plus tard.

Shane Doyle fait lui-même l’objet d’un portrait dans cette même édition du New Scientist: comment l'enfant d'Anzick a changé ma vie.

En novembre dernier, le laboratoire de Copenhague avait également été derrière un autre génome de la même lignée, celui d’un garçon de 24 000 ans sur les rives du lac Baïkal, en Sibérie. L’ADN de ce «garçon de Mal’ta» fait de sa famille une descendante de pré-Asiatiques et de pré-Européens, mais surtout, une probable ancêtre de ceux qui, quelques milliers d’années plus tard, ont traversé le détroit de Bering et peuplé les Amériques.

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