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D’ordinaire, les revues de l’année en science soulignent une découverte ou une personne qui, à l’intersection de la recherche et de la société, a fait prendre un virage déterminant à sa discipline. Mais cette année, le virage est celui d'une libération de la parole qui pourrait avoir un impact positif sur toutes les disciplines où le harcèlement sexuel est encore minimisé.

Peu de gens connaissent Joan Schmelz à l’extérieur de la communauté astronomique, bien qu’elle soit une sommité mondiale de la physique du soleil et qu’elle dirige depuis l’été dernier le radio-télescope d’Arecibo, Porto Rico. C’est pourtant elle qui a contribué à ce que des femmes osent dénoncer publiquement un des astronomes les plus célèbres du monde : Geoff Marcy, pionnier de la recherche sur les planètes extrasolaires.

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Tout a commencé par un billet de blogue publié par Joan Schmelz en 2011, faisant état de son expérience personnelle et d'un climat de non-dit dans la communauté des astronomes. Dans les années qui ont suivi, Schmelz a maintenu la pression à travers son travail au comité sur le statut de la femme de la Société astronomique américaine et a contribué à ce que des femmes sortent de l'ombre et racontent leur histoire. Certaines de ces histoires concernaient Geoff Marcy, assez pour que l’Université de Californie à Berkeley, qui l'emploie, ne déclenche une enquête qui, rendue publique en octobre par une fuite journalistique, a entraîné la démission de l'astronome. On y apprenait que quatre plaintes, concernant des événements étalés entre 2001 et 2010, avaient été formellement déposées. Depuis, on a aussi appris que dès les années 1980, des chercheurs avaient tenté d’attirer l’attention de l’université sur le comportement de leur collègue avec ses étudiantes.

Fait rare, la revue Nature désigne Joan Schmelz comme l’une de ses 10 personnes-clefs de 2015, pour «son travail en coulisses ayant permis de révéler au grand jour le harcèlement sexuel».

Ce fut un des des épisodes les plus dramatiques d’une série de controverses sur l’égalité des genres survenues cette année, incluant les commentaires dédaigneux du Nobel Tim Hunt sur les femmes travaillant dans un laboratoire.

Le gros changement cette année, c’est qu’on a parlé tout haut de ces épisodes et qu’ils ont entraîné des sanctions, constatait le magazine Wired cet automne. «Ce qui était jadis murmuré dans les laboratoires et les bureaux est maintenant discuté publiquement et clairement.»

«Sans Joan», résume dans Nature la présidente de la Société astronomique américaine, Meg Urry, «je ne crois pas que nous aurions assisté à ces changements remarquables».

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