La croisade anti-écologistes
(ASP) - Il y a quelques semaines, un nommé
Bjorn Lomborg a déclenché une petite tempête
dans le monde environnemental, en publiant un livre
intitulé The Skeptical Environmentalist
(LEnvironnementaliste sceptique). Livre où,
entre autres choses, il descend en flammes le discours
écologiste, quil accuse dêtre
propagateur de peurs exagérées: le réchauffement
global en effet, resterait, selon cet auteur, quelque
chose qui na pas été pleinement
démontré.
Mais ce qui a attisé la tempête,
ce nest pas tant le livre il se publie de
ces brûlots deux ou trois fois par année-
que la réaction des médias: une presse
crédule "a avalé ses conclusions
tout rond" dénonce par exemple Stephen H.
Schneider, du département des sciences biologiques
de lInstitut détudes internationales
de lUniversité Stanford.
Il faut dire que le livre de Lomborg,
professeur de statistiques à lUniversité
du Danemark, contient tous les ingrédients pour
créer une bonne controverse: lauteur y
tire sur tout ce qui bouge, y compris des Prix Nobel.
Et le style est de nature à entretenir la polémique:
les citations sont nombreuses, les références
à des recherches scientifiques complexes abondent,
bref, tout pour convaincre le lecteur que Bjorn Lomborg
est lui aussi un scientifique qui sait de quoi il parle,
et quil a soigneusement pesé le pour et
le contre.
Mais ce nest quune illusion,
dénonce Stephen Schneider dans une édition
récente du magazine de gauche Grist. "En
fait, il utilise une inattention
sélective pour écarter certains textes
et sur-utiliser ceux qui appuient ses positions".
Nos forêts ne sont pas en danger, nous avons réduit
la pollution atmosphérique dans les villes, nos
rivières sont plus propres, les déchets
ne constituent plus un problème, et quant au
problème de la couche dozone, il est en
voie dêtre résolu. Sans compter que
nos craintes vis-à-vis des polluants chimiques
et des pesticides sont irréalistes...
Déjà, il y aurait eu largement
de quoi tomber sur lauteur à bras raccourcis.
Mais ce qui a accéléré la réaction
des écologistes, cest quun grand
nombre de médias ont pris les arguments Lomberg
comme argent comptant, juste parce quils ont un
cachet, eh bien oui, scientifique. Le Washington
Post, le New York Times, The Economist de
Londres, ce ne sont que quelques-uns de ceux qui en
ont publiés des comptes-rendus dithyrambiques.
A linverse, un compte-rendu publié
le mois dernier dans la revue scientifique Nature
la descendu en flammes, pour le caractère
plus quapproximatif de ses données et de
ses sources, et un autre dans lédition
de janvier du Scientific American fait de même.
Un
par un, les arguments Lomberg ont été
dûment analysés depuis un mois et
renversés. Pour le biologiste E.O. Wilson, les
calculs présentés dans The Skeptical
Environmentalist sur le taux dextinction des
espèces animales ne passent pas la rampe; pour
Lester Brown, fondateur du Worldwatch Institute et promoteur
dune écologie à saveur davantage
économique, les calculs sur le taux de croissance
de la population sont biaisés; pour Emily Matthews,
de lInstitut mondial des ressources forestières,
les calculs sur la déforestation sont incorrects
ou mal interprétés; et ainsi de suite...
Ceci dit, une fois quon en aura
fini de lancer toutes ces critiques à la face
des médias, il faudra sinterroger sur léditeur
du Skeptical Environmentalist: les Presses de
lUniversité de Cambridge... les mêmes
qui ont publié il y a près dun an
le monumental rapport de lIntergovernemental Panel
on Climate Change, groupe de 2000 experts internationaux
chapeautés par les Nations Unies. Rapport quau
passage, incidemment, Bjorn Lomborg accuse également
dêtre biaisé...