Deux recherches publiées
la même semaine, lune portant sur
lAustralie et lautre sur lAmérique
du Nord, arrivent en effet à des résultats
similaires. Et fort dérangeants. A deux
reprises, à 35 000 années dintervalle,
les humains auraient
produit ce quon ne peut quappeler
une catastrophe écologique.
"Je pense que nous avons
ciblé le problème", résume,
pour la revue Science, John Alroy. Un
euphémisme.
John Alroy, biologiste de lévolution
à lUniversité de Californie
à Santa Barbara, est lauteur de
la première recherche. A partir dun
modèle informatique, il prétend
reproduire ce qui sest passé en
Amérique du Nord à la fin du Pléistocène
une période allant dil y
a 50 000 à 11 000 ans. Son modèle
tient compte de lévolution démographique
des humains et de 41 espèces de grands
herbivores. Et son modèle arrive à
une conclusion: lextinction de masse était
"inévitable"... une fois les
humains arrivés en Amérique.
Même scénario en
Australie, mais cette fois sur le terrain. Il
y a 46 000 ans, viennent
de démontrer le géochronologiste
Richard Roberts, de lUniversité
de Melbourne et le biologiste des mammifères
Timothy Flannery, du Musée dAustralie
du Sud, ont
été rayés de la surface
de la Terre des populations entières
de mammifères et doiseaux.
Et ce, peu de temps après larrivée
en Australie des premiers humains.
"La quantité de preuves
tend maintenant clairement vers une explication
humaine", assure un autre géochronologiste,
Gifford Miller, dans une analyse de cette seconde
étude.
Les pertes furent colossales:
28 genres et 55 espèces de vertébrés
en Australie seulement, dont un cousin du kangourou
qui pesait jusquà 300 kg. En fait,
presque tous les "reptiles, mammifères
et oiseaux de plus de 100 kg". En Amérique
du Nord, pas
moins des deux tiers des grands mammifères:
disparition, il y a environ 11 000 ans, du tigre
à dents de sabre, dune espèce
de bison laineux, dantilopes géantes.
Et du fameux mammouth.
Dans les deux cas donc, des disparitions
survenues, comme par hasard, après larrivée
des humains sur ces continents.
Bien sûr, prouver hors de
tout doute la responsabilité humaine
savère difficile. Le débat,
en fait, a cours depuis une centaine dannées.
Mais à présent que lon connaît
avec précision la date de lextinction
massive dAustralie, il devient possible
décarter lautre coupable
possible, le changement climatique. Le réchauffement
pourrait en effet être mis en cause dans
le cas dévénements survenus
il y a 11 000 ans on sortait alors de
lère glaciaire- mais il y a 46
000 ans, il ny a eu ni réchauffement
ni refroidissement.
Et il y avait seulement quelques
milliers dannées que les humains
avaient mis pied en Australie. Richard Roberts
et son équipe ont analysé 28 sites
aux quatre coins de ce pays, utilisant les méthodes
les plus avancées de la physique et de
la chimie pour dater les ossements et les cailloux
ou sédiments environnants. Dans lesprit
du géochronologiste, il ny a plus
de doute: "si les humains nétaient
pas arrivés en Australie, cette méga-faune
ne se serait pas éteinte".
Pas simplement parce que ces chasseurs
ont traqué les bêtes jusquà
lextinction. Mais ils ont aussi brûlé
certains territoires, peut-être pour rendre
la chasse et les déplacements plus faciles
faisant ainsi disparaître une partie
de la nourriture des herbivores. Bref, ils navaient
peut-être même pas lintention
de faire du mal à leur environnement...
mais les résultats furent tout de même
désastreux. Ca ne vous semble pas familier?