Le chimpanzé qui taillait des pierres
(ASP) - Il y a maintenant un bon moment
que lon sait que des chimpanzés peuvent
eux aussi utiliser des outils: entre autres, une pierre
pour casser lécaille dune noix et
dévorer ce quil y a à lintérieur.
Des années dobservations ont permis den
apprendre davantage sur la façon dont ils apprennent
ce comportement inusité et peut-être,
sur la façon dont nos lointains ancêtres
lont eux-mêmes appris.
Car ils lapprennent, il ny
a pas de doute là-dessus. Les primatologues qui
ont suivi les chimpanzés de la forêt Taï,
en Côte dIvoire, ont nettement pu voir les
plus vieux enseigner aux plus jeunes comment utiliser
une pierre. Et pas nimporte quelle pierre: ils
la choisissent, et dans certains cas, la taillent au
fil du temps, afin de lui donner la forme appropriée.
Résultat: à limage
de leurs collègues qui, depuis un siècle,
sintéressent aux outils de pierre laissés
derrière eux par les humains préhistoriques,
trois chercheurs ont fait de larchéologie...
des chimpanzés. Au fil des ans, ceux-ci laissent
en effet des outils derrière eux, et une fine
analyse permet de voir comment ces outils ont été
employés, et lesquels lont été
plus que les autres.
Cest quapprendre à
ouvrir une noix, ce nest pas une tâche facile.
"Les chimpanzés utilisent des pierres plutôt
larges, jusquà 15 kilos, explique Melissa
Panger, du département danthropologie de
lUniversité George Washington, à
Washington. Cest une tâche très difficile,
et il faut en moyenne sept ans à un chimpanzé
pour lapprendre."
Le résultat en vaut la peine: la
noix est un aliment riche en gras et en protéines.
Pendant les longues journées dété,
lanimal peut passer deux ou trois heures pour
ouvrir une centaine de noix ce qui lui fournit
léquivalent de 3000 calories.
"Ce nest pas comme de craquer
les noix qui servent de casse-croûte ou une amande,
poursuit la chercheure. Il leur faut frapper lécaille
assez fort pour la craquer. Mais sils la frappent
trop fort, ils vont écraser la noix." De
là limportance dune pierre dune
certaine taille et dun certain poids, et lanalyse
des pierres laissées derrière par les
chimpanzés confirme
que les plus "efficaces" sont aussi celles
qui furent les plus utilisées.
"Nous ne prétendons pas, ajoute
dans Science larchéologue Julio
Mercader, également de Washington, que les sites
(de nos ancêtres pré-humains) ressemblent
à nos sites de chimpanzés. Ce que nous
disons, cest que certaines des pierres que nous
avons trouvées ressemblent aux sites technologiquement
les plus primitifs des hominidés de lAfrique
de lEst." Les chimpanzés nont
peut-être que deux ou trois millions dannées
de retard sur nous...