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La particule du Nobel
(Agence Science-Presse) - A l'image du Nobel
de médecine (voir ce
texte), qui a récompensé cette année
une longue quête de gènes, voici le Nobel
de physique qui récompense la longue quête
des neutrinos.
Les neutrinos sont des particules invisibles,
inodores, et qui ne pèsent rien. Il a fallu déployer
des efforts techniques hors de l'ordinaire pour arriver
à en détecter pour la première fois,
des décennies après qu'on eut commencé
à supputer leur existence. Car ces particules passent
au travers de la matière comme un couteau à
travers le beurre, sans subir de dommages ni être
arrêtées dans leur course.
Pourtant, toute invisibles qu'elles soient,
elles pèsent d'un lourd poids sur le destin de
l'univers: à coup de milliards par centimètre
carré, elles peuvent ultimement faire pencher la
balance d'un côté ou de l'autre, soit un
univers éternellement en expansion, soit un univers
qui finira par s'effondrer sur lui-même. A l'heure
actuelle, aucun scientifique n'est en mesure de trancher.
Les
trois hommes qui viennent de recevoir le Nobel de physique
ont découvert deux voies différentes
pour étudier cet infiniment petit qui pèse
infiniment lourd. Raymond David Jr, de l'Université
de Pennsylvanie et Masatoshi Koshiba, de l'Université
de Tokyo, reçoivent la première moitié
de la récompense -un million de dollars- pour avoir
observé des neutrinos provenant autant de l'intérieur
de notre système solaire que de l'extérieur.
Les neutrinos étant émis par les étoiles,
il est normal que nous en détections davantage
en provenance de notre propre étoile -le Soleil-
mais le fait d'en détecter en provenance du reste
du cosmos permet aux physiciens d'obtenir, petit à
petit, un portrait plus complet des étoiles et
galaxies, bref, du reste du cosmos. Davis fut le premier,
dans les années 50, à identifier des neutrinos
-en provenance de notre Soleil- grâce à un
gigantesque réservoir de 60 tonnes d'eau lourde,
enfoui dans une mine du Dakota du Sud. La "stratégie"
fut par la suite imitée pour les super-observatoires
de neutrinos: celui de Sudbury, au Canada, et le Kamiokande,
au Japon.
Koshiba pour sa part, fut le premier, en
1987, à en détecter un tout petit nombre,
mais émis, ceux-là, par une supernova -une
étoile lointaine qui termine sa vie dans une gigantesque
explosion.
Des efforts de ces pionniers a émergé
une nouvelle branche de l'astronomie: l'astronomie des
neutrinos, qui est de plus en plus utilisée pour
étudier les objets célestes si éloignés
que les techniques traditionnelles ne sont plus d'aucun
secours.
Riccardo Giacconi, des Universités
associés à Washington, qui reçoit
l'autre moitié de la récompense, a marché
dans les pas de Koshiba en mettant
au point des instruments pour détecter les rayons-X
originaires des lieux les plus reculés du cosmos.
Ces instruments équipent aujourd'hui l'observatoire
spatial à rayons-X Chandra, qui a fourni des images
spectaculaires de l'Univers, jetant un "oeil" là
où même la puissante lentille du télescope
spatial Hubble ne pouvait rien voir. Certains experts
croient qu'une partie de ces rayons-X peut être
émise par les mythiques trous noirs.
Le Nobel de physique 2002 souligne à
quel point l'astronomie a progressé depuis le télescope
de grand-papa: désormais, on ne se contente plus
d'observer ce qui est visible. C'est par l'étude
des plus microscopiques composants de notre univers qu'on
espère accroître notre connaissance de ses
composants les plus gros: les galaxies, les étoiles,
notre Soleil, et la Terre elle-même.