La nuit de la variole
(ASP) - Dans la série: ce soir,
on fait peur aux gens, voici la dernière
découverte des amateurs de virus. Après
la crainte que des terroristes ne provoquent une épidémie
de variole -ce qui serait dévastateur, puisqu'il
n'y aurait plus assez de vaccins pour traiter tout le
monde- pourquoi pas un virus de la variole qui se réveillerait,
après des décennies d'hibernation dans
les terres glacées du Nord?
L'inquiétude provient du réchauffement
de la planète. Des chercheurs russes, spécialistes
des maladies infectieuses, se sont avisés qu'en
Sibérie, dorment des victimes d'une épidémie
de variole survenue au XIXe siècle. Elles reposent
là, dans une terre glacée en permanence
-le permafrost- comme des momies que le gel a conservées
pratiquement intactes.
Sauf que si leurs corps sont restés
intacts, ce que ces corps abrite est peut-être,
lui aussi, demeuré intact. Dont le virus de la
variole.
En fait, on y avait déjà
pensé. Dès 1991, une équipe russe
s'était rendue dans un village appelé
Koltsovo, et avait prélevé des fragments
de peau sur un cadavre d'enfant mort de la variole il
y a un siècle. Au soulagement général,
en laboratoire, on avait été incapable
de découvrir la moindre trace de variole: le
froid extrême avait eu raison du virus, avait-on
conclu.
Mais un doute subsiste. Le virus a pu
être achevé par les fluctuations de températures
qui ont également eu cours à cet endroit
depuis un siècle, mais il y a d'autres endroits
où les corps ont simplement été
congelés, et où la température
n'a plus du tout fluctué. Jusqu'à tout
récemment: jusqu'à ce que les effets du
réchauffement planétaire commencent à
se faire sentir dans ces régions polaires.
Depuis cinq ans, les Etats-Unis et la
Russie sont engagés avec l'Organisation mondiale
de la santé dans un débat sur la légitimité
de détruire leurs dernières réserves
de ce virus. Des réserves soigneusement conservées
afin de -comme c'est l'usage en pareil cas, pour toutes
les maladies possibles et imaginables- servir de modèles
à un éventuel vaccin. La variole ayant
été éradiquée depuis 30
ans, la conservation de ces derniers échantillons
devenait de plus en plus difficile à justifier:
imaginez, disait-on avec effroi, qu'un terroriste ne
s'en empare, et n'aille ouvrir une fiole sur la 5e
avenue, à New York? Toutes les personnes nées
depuis un quart de siècle n'ont plus été
vaccinées contre la variole -et il n'est même
pas sûr que chez celles qui l'ont été
avant cette date, le vaccin ferait encore effet.
Mais avec cette hypothèse "polaire",
le débat risque de prendre une autre tournure.
S'il devait s'avérer possible que ce virus, dont
les ravages sont rapportés dans toutes les civilisations
et à toutes les périodes de l'histoire,
puisse survivre à des décennies, voire
des siècles, de séjour dans la glace,
alors l'humanité n'est pas sortie de l'auberge...