Le naufrage de la convergence
(ASP) - Convergence. Mot magique des gens
d'affaires des années 90. Qui a été
utilisé à toutes les sauces, mais en particulier
pour justifier la vague de fusions et acquisitions.
Qui est sérieusement remis en question depuis
que la débandade boursière a fait des
siennes, notamment dans le secteur des télécommunications.
Et, à présent, dans le secteur scientifique.
"La folie des fusions dans lindustrie
pharmaceutique a peu fait pour stimuler linnovation,
sur laquelle son futur sappuie", commence
léditorial
de cette semaine de la revue Nature (accès
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Le prix pour produire un médicament
a doublé depuis 15 ans: il faut en moyenne calculer
800 millions$ aujourdhui. Le nombre de nouveaux
médicaments lancés chaque année
est en déclin, pour cette raison et aussi, parce
que les brevets lancés à tous vents ralentissent
souvent le processus de la recherche. Ces deux tendances,
mises bout à bout, expliquent la quête
de profit des dernières années, mais elles
ne garantissent rien pour lavenir: si ça
devient de plus en plus cher de créer un médicament,
les investisseurs qui ne recherchent quun profit
rapide seront de plus en plus nombreux à aller
voir ailleurs.
Mais comment en est-on arrivé là,
demande Nature? Il ny a pas de réponse
unique. En partie, on peut dire que les maladies "faciles"
à traiter lont déjà toutes
été. Les cibles sont maintenant des maux
complexes, dont les causes sont multiples (asthme, Alzheimer,
etc.), et qui nécessitent en conséquence
un mélange de traitements, plutôt quune
seule pilule. Ou pire encore, un mélange de traitements
pharmaceutiques et autres: meilleure alimentation, changements
dans le mode de vie, etc. Or, ces "autres"
facteurs, les compagnies pharmaceutiques nont
aucun contrôle sur eux, et ne peuvent en conséquence
faire aucun profit là-dessus.
Cest pour contrer cela quon
a assisté ces dernières années
à cette vague de fusions. La production de médicaments
devient plus coûteuse? Fort bien, fusionnons,
ce qui nous permettra de couper dans les dépenses
moins de gens au travail, par exemple. GlaxoSmithKline,
lui-même le résultat dune série
de méga-fusions (dont, en 2000, entre les géants
Glaxo Wellcome et SmithKline Beecham) cherche ainsi
dautres partenaires.
Mais le problème, cest quabsolument
rien ne permet daffirmer, des années après
ces fusions, quelles ont fonctionné. Même
la bourse reste à présent de glace devant
les annonces. Et les compagnies fusionnées font
face aux mêmes problèmes, avant et après
une fusion: les médicaments coûtent toujours
aussi cher, et le taux déchec reste toujours
aussi élevé. Sans parler des projets de
recherche, qui sont affectés par les fusions:
chaque fois, il faut tout mettre sur la glace pendant
des semaines, et parfois, repartir à zéro
sous une nouvelle direction ou avec de nouveaux ordres
venus "den haut". Conséquence:
les meilleurs chercheurs désertent, vers les
firmes de biotechnologie par exemple.
Ces dernières ont en effet lallure
des petites compagnies Internet de la fin des années
90: des environnements de travail dynamiques, plus humains.
Où linnovation sort à pleines portes.
La "grosse" recherche pharmaceutique devrait-elle
revenir vers ce modèle ?