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Le 5 décembre 2003


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8000 ans de coups de langues

(Agence Science-Presse) - De l'Irlande à l'Inde en passant par l'Espagne et la Grèce, des centaines de millions de personnes parlent, sans s'en douter, la même langue. Ou presque. La langue indo-européenne, dont on vient de dater l'origine à au moins 8000 ans.

L'expression "langue indo-européenne" remonte à 1786. Cette année-là, le juriste britannique William Jones devient le premier à souligner les nombreuses similitudes entre des langues aussi diverses que le grec, les langues celtes (breton, gallois) et le sanskrit de la lointaine Inde. Et ce, à la grande surprise des linguistes pour qui, s'il ne faisait aucun doute que les langues d'Europe avaient une origine commune, il ne serait jamais venu à l'idée d'y associer le sous-continent indien.

Les linguistes allaient pourtant rapidement confirmer l'intuition de William Jones: 144 langues d'Europe et de l'Inde ont bel et bien une origine commune: cette mythique langue indo-européenne (parmi les exceptions, dont les origines font toujours mystère: le basque et le finnois).

Mais ce sur quoi les linguistes ne se sont jamais entendus, c'est sur l'époque et le lieu où cette langue a commencé à se faire entendre. L'époque et le lieu où, en d'autres termes, cette langue est elle-même devenue distincte des langues qui l'ont précédée.

Dans une édition récente de la revue britannique Nature, le biologiste de l'évolution Russell Gray et son collègue Quentin Atkinson, de l'Université d'Auckland, en Nouvelle-Zélande, proposent le centre de la Turquie actuelle, il y a 8 à 9000 ans. Les fermiers du néolithique qui peuplaient alors ce qu'on appellerait plus tard l'Anatolie auraient été les premiers à parler une forme de "proto-indo-européen", avant de se mettre à migrer vers des terres plus hospitalières.

Le lieu paraît par contre trop beau pour être vrai –trop central, pour ne pas dire trop européen– aux yeux de ceux qui ont toujours privilégié des peuples plus exotiques, comme les cavaliers Kurgan du Sud de la Russie.

Les conclusions de cette équipe néo-zélandaise s'appuient sur un mélange d'analyses informatiques –compilation des différences entre ces 144 langues modernes afin d'en établir la généalogie à rebours– et d'une vieille technique employée pour dater les langues, la glottochronologie. Dans les deux cas, le tout repose sur une hypothèse qui a ses détracteurs: la vitesse à laquelle des mots se modifient, d'une génération à l'autre.

S'ils ont raison, alors l'indo-européen serait de deux à trois millénaires plus vieux que les plus vieilles estimations.

Qu'est-ce que cette histoire de vitesse à laquelle des mots se modifient? Prenons par exemple les mots sanskrit et latin pour "feu": agnis et ignis. Ils ont de toute évidence une origine commune. Mais à quel moment se sont-ils différenciés? C'est la réponse que prétend apporter la glottochronologie en comparant des centaines, puis des milliers de mots offrant de telles similitudes, et en analysant leur évolution dans le temps, lorsque celle-ci nous est connue: par exemple, le mot ignis, du latin au français moderne ou du latin à l'anglais en passant par toute une série d'étapes depuis 2000 ans. L'informatique permet évidemment d'aller infiniment plus loin et plus vite dans ce type d'analyses comparatives et de calculs: c'est donc une sorte d'immense analyse statistique qu'offrent Gray et Atkinson dans l'étude dont il est question ici.

Mais les détracteurs de la glottochronologie demeurent sur leurs positions: il est dangereux d'essayer d'appliquer des lois statistiques à l'évolution d'une langue, quand on sait que les mots évoluent, apparaissent ou disparaissent suivant des rythmes qui n'ont rien de statique. Les méthodes employées ici peuvent fonctionner en biologie, lorsqu'on essaie d'établir l'âge d'un ancêtre commun à plusieurs espèces animales. Mais en linguistique, c'est beaucoup moins sûr.

Gray et Atkinson ne nient pas la difficulté, mais soulignent qu'ils ont fait maintes fois varier les paramètres dans leur étude, par exemple en présumant d'une évolution plus rapide ou moins rapide de tels et tels mots. Dans tous les cas, ils arrivent à la même fourchette de temps: l'indo-européen aurait divergé de ses voisins il y a entre 7800 et 9800 ans, et plus probablement il y a environ 8700 ans. Et c'est le hittite ancien qui semble le langage le plus rapproché de la racine de cet arbre généalogique, d'où la décision de pointer du doigt l'Anatolie comme point d'origine.

Peu importe que leur découverte se confirme ou pas, cette étude est exactement ce dont la linguistique avait besoin, résume pour Nature April McMahon, de l'Université de Sheffield (Angleterre): elle montre comment, avec l'aide de l'informatique, les hypothèses sur l'évolution des langues pourront être désormais mises à l'épreuve. Les linguistes ont toujours été forts pour émettre des hypothèses, mais beaucoup moins forts pour les vérifier...

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