Le record précédent
ne remontait qu'à l'an dernier, avec 2,7
millions de morts. Preuve supplémentaire,
s'il en faut, que la maladie est loin d'être
éradiquée, en dépit de l'efficacité
des médicaments. Pendant que l'Occident se
sent hors de danger, au point de voir renaître
des pratiques sexuelles non-sécuritaires,
une bonne partie de l'Afrique reste submergée
par le désastre... Et parallèlement,
l'Inde et la Chine, avec leurs deux milliards d'habitants,
se préparent une catastrophe démographique
(voir aussi cette semaine Sida:
en faisons-nous assez?).
Les chiffres proviennent du Programme
des Nations Unies sur le sida (Onusida), et
ils ont été dévoilés
la semaine dernière, en prévision
de la Journée mondiale du sida, le 1er
décembre.
Si on ne sait pas grand-chose de la
situation en Chine (des estimations prudentes placent
le nombre de sidéens à un million
et demi), où le gouvernement maintient un
verrou sur l'information, on peut extrapoler à
partir de ce qui se passe en Inde: là-bas,
le sida a quitté la phase des seuls groupes
à risque (utilisateurs de seringues, travailleurs
du sexe, etc.), pour infecter de plus en plus largement
le grand public: Subhadra Menon, directrice là-bas
de l'Initiative internationale contre le sida, donne
l'exemple des épouses infectées dans
l'anonymat de leur maison par un mari qui avait
caché sa maladie.
Or, avec une population qui, en Inde,
atteint désormais le milliard, même
un faible pourcentage d'infection peut signifier
une catastrophe.
A titre d'exemple, il y a actuellement
4,6 millions de sidéens en Inde, ce qui place
ce pays au deuxième rang mondial. Mais le
taux de prévalence n'est pourtant là-bas
que de 1%. Les budgets alloués aux soins
médicaux sont plus élevés que
dans l'Afrique subsaharienne, et les autorités
locales et nationales ont cessé depuis longtemps
de nier l'existence du sida, au contraire de ce
qui se passe encore au Kenya ou au Zimbabwé,
voire en Afrique du Sud. De sorte qu'on ne craint
pas que le taux de prévaleance de l'Inde
atteigne les niveaux catastrophiques (30% au Zimbabwé!);
mais il risque néanmoins de s'élever
largement au-dessus de la barre des 1%.
L'Afrique, justement. Plus des deux
tiers des nouveaux infectés de 2003 (3 millions
sur 5) s'y trouvent, et quelque 2,3 millions des
morts. Sur environ 40 millions de sidéens
à travers le monde, 26,6 millions sont en
Afrique, au sud du Sahara.
Des estimations ont suggéré
que l'épidémie soit en train de se
stabiliser dans certaines régions. Ce que
nuance Peter Piot, directeur de l'Onusida: l'épidémie
semble en effet se stabiliser... en raison du nombre
énorme de décès!
"Il est très clair que nos
efforts globaux restent entièrement inadéquats
pour une épidémie qui reste hors de
contrôle", a-t-il résumé en
dévoilant la semaine dernière les
dernières statistiques.
Bref, l'année 2004 risque de
battre le record de 2003.