Ce n'est certes pas une hibernation au sens
science-fictionnesque du terme. La souris qui a servi
de cobaye a été plongée dans un état
appelé animation suspendue. Mais le résultat
final est le même: la température de son corps
a dégringolé de 20 degrés Celsius en
quelques minutes et sa respiration est passée de
120 par minute à moins de 10 par minute.
Le responsable: du sulfure d'hydrogène.
Nul autre que le gaz émis par des oeufs pourris.
Tant que la souris a été exposée à
un air contenant ce gaz en faible concentration une
concentration soigneusement mesurée, de 80 parties
par million la souris du Centre de recherche Fred
Hutchinson sur le cancer, à Seattle, est demeurée
dans cet état d'animation suspendue. Six heures plus
tard, soumise à un air "propre", elle s'est "réveillée"
et a repris ses activités comme si rien ne s'était
passé.
Le potentiel de cette découverte lui a valu
de faire
le tour des médias de la planète
depuis sa parution dans la revue américaine
Science:
en théorie, un patient dans un état
critique pourrait être mis en animation suspendue
dans le but de lui "acheter du temps" le temps,
par exemple, de l'amener à l'hôpital
ou de préparer une transplantation.
Un cerveau ou un tissu qui, à la suite d'un
arrêt cardiaque, cesse d'être alimenté
en oxygène, pourrait être toujours
en théorie mis
au ralenti par ce procédé, ce qui réduirait
ses besoins en oxygène et donnerait ainsi
davantage de temps aux médecins pour intervenir.
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Le sulfure
d'hydrogène ne se contente pas de
puer: il peut tuer, à de trop fortes concentrations.
Le sulfure
d'hydrogène est produit en petites
quantités par des animaux chez qui, croit-on,
il contribue à réguler la température
du corps et les fonctions du métabolisme.
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Mais il reste du chemin à faire avant
d'en arriver là. L'étude dont il est question
ici n'a que le statut de "courte étude": elle ne
fait que quelques paragraphes. Il reste à expérimenter
ce sulfure d'hydrogène sur davantage de souris, puis
sur des animaux plus avancés. Quant à d'éventuels
essais cliniques, on n'en parle même pas avant cinq
ans. C'est plutôt le caractère imaginatif de
l'étude, en regard de ce que nous pensions savoir
de l'hibernation, qui lui vaut de se retrouver à
l'avant-scène.
Animation suspendue ou hibernation?
Diminution radicale de la température
du corps, ralentissement des fonctions vitales: c'est exactement
ce qui arrive aux animaux, comme les ours, qui se mettent
en état d'hibernation. Dans ce sens, on peut bien
parler d'hibernation. C'est comme si l'inhalation de ce
gaz avait converti la souris d'un animal à sang chaud
à un animal à sang froid, explique Mark Roth,
biologiste cellulaire et chercheur principal.
Oeufs pourris ou congélation?
La recherche sur l'hibernation est bien telle
qu'on l'imagine: depuis des décennies, elle s'est
concentrée sur la congélation du corps. Littéralement,
on met ce corps au congélateur dans l'espoir de l'en
ressortir le jour où on pourra le ressusciter. C'est
le mythe, transmis par quantité de films et par Walt
Disney lui-même (qui n'a, contrairement à une
certaine légende, jamais été congelé).
Mais la congélation s'est toujours heurtée
à un obstacle de taille: elle détruit la matière
vivante. Les scientifiques planchent donc sur différents
procédés (des antigels, en quelque sorte)
qui protégeraient les cellules... sans les empoisonner.
En comparaison, l'idée
d'une hibernation par simple inhalation est donc plus simple...
bien qu'on voit mal pour l'instant comment on pourrait garder
un corps "endormi" pendant des semaines, des mois, des années...
voire des siècles, pour ceux qui rêvent à
des voyages vers les étoiles lointaines! Mais ceci
est une autre histoire, qui nécessitera bien d'autres
recherches pendant bien longtemps encore.
Pascal Lapointe