Il y a moins de six ans, des chercheurs annonçaient
en grandes pompes avoir complété la liste
des 25 à 30 000 gènes composant un être
humain (voir
ce texte). Il y a un peu plus de deux ans (voir
ce texte), ils en identifiaient environ 700 qui sont
les plus susceptibles de nous avoir distingués du
chimpanzé voici quelques millions d'années
notamment des gènes impliqués dans la
reproduction, la fertilité et, bizarrement, l'odorat.
À présent, parmi ces 700 gènes,
des chercheurs de l'Université de Chicago, pointant
les "régions" du génome les plus susceptibles
d'avoir évolué au cours des 15 000 dernières
années, ont identifié des gènes qui
tombent dans des catégories jusque-là inédites
pour des généticiens: par exemple, des gènes
impliqués dans la pigmentation de la peau, les fonctions
cérébrales, la reproduction et attention,
jargon scientifique la métabolisation des carbohydrates
et des acides gras.
En termes clairs: ces derniers gènes
auraient évolué en
réponse à des changements radicaux dans l'alimentation.
Et quel changement radical dans l'alimentation s'est-il
produit au cours des 15 000 dernières années?
L'agriculture.
La pigmentation de la peau? Chez certains
Européens, les gènes produisant une peau plus
claire sont devenus plus fréquents, à mesure
que ces gens migraient vers le Nord: moins de lumière
solaire, moins de vitamine D; donc, une peau plus claire
permet d'absorber davantage de cette lumière.
Ces identifications par les chercheurs de
Chicago ne sont pour l'instant que des analyses statistiques:
on prend un grand nombre de gens (209) éparpillés
sur trois continents, on compare les variations des séquences
génétiques en question et on estime de cette
façon depuis combien de temps ces séquences
se sont différenciées.
Écrivant dans la revue Public Library
of Science - Biology, le chercheur principal, Jonathan
Pritchard, rejette l'idée que cette évolution
soit à présent terminée, sous le prétexte
que les progrès de la médecine auraient eu
pour effet de "gommer" les inégalités génétiques.
Même aujourd'hui, dit-il en substance, des gènes
"favorables" à la survie d'un ftus ou à
l'adaptation à des pressions nouvelles (un polluant,
par exemple), peuvent jouer un rôle dans la "sélection
naturelle", rôle que nous ne mesurerons peut-être
pas avant des générations.
Quoi qu'il en soit, au-delà de cette
analyse statistique, il reste encore du travail à
faire: analyser les changements de ces gènes au niveau
moléculaire, pour voir quel impact précis
ils ont (production accrue ou non d'une protéine,
par exemple). Mais d'ores et déjà, ces généticiens
de Chicago viennent de donner une nouvelle dimension au
mot "évolution".