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Le mystère de l'étoile des Rois mages

 


Qu'était donc ce signe céleste -cette "étoile au Levant", dit Matthieu dans son Evangile- qui apparut à ces trois observateurs de Babylone, et qui devait les guider vers l'Enfant-Roi? Etoiles filantes, comètes, conjonctions planétaires: toutes les hypothèses y sont passées. Mais 2000 ans après l'événement, force est d'admettre que le mystère de l'Etoile des Mages demeure entier.


par Luc Dupont

Si on ignore ce qu'était cette étoile, du moins peut-on dire ce qu'elle n'était pas: ainsi, les astronomes éliminent aujourd'hui rapidement les deux premières hypothèses. D'une part, ils disent non à celle des étoiles filantes, car ces débris cosmiques qui s'enflamment en entrant dans l'atmosphère sont trop éphémères (quelques fractions de secondes) pour s'accorder avec le récit d'un objet persistant.

D'autre part, ils disent aussi non à l'hypothèse d'une comète, car s'il s'était vraiment agi d'un de ces objets promenant dans le ciel cette queue longue de milliers de kilomètres, tout le monde en Palestine l'aurait vu. Or, selon la légende, seuls les Mages auraient aperçu le lumineux phénomène.

L'hypothèse la plus solide reste donc celle d'une conjonction planétaire. Ce rapprochement très grand (de notre point de vue d'observateur terrestre) de différentes planètes entraîne une accentuation de la luminosité, au point de créer dans le ciel un point d'une très grande brillance.

En outre, on peut aujourd'hui reconstituer l'événement. La mécanique des corps célestes obéit en effet à des cycles très précis: on peut donc, grâce à des logiciels perfectionnés, reconstituer le ciel tel qu'il apparaissait à n'importe quel moment du passé. C'est précisément ce que fait le Planétarium de Montréal lorsqu'il reprend, d'une année à l'autre, son spectacle intitulé "L'Etoile des Mages": il reproduit sur sa voûte une de ces conjonctions planétaires, qui s'est justement produite il y a quelque 2000 ans, à l'époque présumée de la maissance de Jésus.

En effet, la période jonchant l'an 3 et l'an 2 avant Jésus-Christ est le théâtre d'une conjonction triple. D'abord, la planète Jupiter croise deux fois une étoile très brillante nommée Régulus. Quelques mois plus tard, en juin de l'an 2 av. J.C., dans une autre partie du ciel, la même Jupiter croise cette fois la planète Vénus.

L'an dernier, des astronomes utilisant un tout nouveau logiciel mis au point par la NASA, ont même conclu que cette dernière "rencontre" avait probablement été plus "serrée" qu'on ne l'avait cru jusqu'ici: les deux planètes se seraient véritablement "fondues" pour donner l'illusion de n'être plus qu'une seule et même étoile.

Comme l'indiquent en substance les astronomes dans le spectacle du Planétarium, il est fort possible que cet événement -une triple conjonction planétaire, phénomène rare par rapport aux conjonctions simples- ait fortement impressionné les Mages, qui étaient des observateurs aguerris du ciel -les astronomes de l'époque, en quelque sorte.

Mais les mages, qui étaient aussi des grands prêtres au service des rois, étaient à l'affût de signes dans le ciel. Or Jupiter était la planète des Rois, et Régulus, l'étoile des Rois... Quel Mage n'aurait pas vu dans cet extraordinaire rapprochement entre ces deux astres un signe de Dieu?


Trois conjonctions, une seule mention


Les logiciels permettent aussi de voir une troisième conjonction planétaire, celle-là en l'an 7 avant Jésus-Christ. Couplées aux travaux d'exégètes et d'historiens, qui permettent de situer chronologiquement la vie de personnages dont l'existence historique est avérée, tel le roi Hérode, ces conjonctions planétaires permettent donc de mettre des limites historiques à la naissance de Jésus, soit entre l'an 7 et l'an 2 av. J.-C.

Ceci dit, toutes ces suppositions prennent pour acquis la véracité du récit des Mages. Or, ce récit, aussi séduisant soit-il, doit être pris avec circonspection. La question, en effet, reste ouverte.

Jean-Pierre Urbain, directeur des Editions Astronomiques, reste pour sa part assez froid devant toutes ces explications, même si elles sont toutes fondées astronomiquement. "Une seule mention par un seul évangéliste d'un événement astronomique dont il ne fournit aucune description, c'est très mince; surtout quand on sait aujourd'hui que toute découverte ou observation de phénomènes astronomiques exige, pour être accréditée, au moins deux sources d'observateurs."

André Myre, bibliste à la Faculté de théologie de l'Université de Montréal se tient lui aussi assez loin de l'histoire de l'Étoile. "C'est vrai qu'on sait, sur tout ça, très peu de choses. Et la tentation de chercher dans le passé d'un grand Homme des signes qui auraient marqué son arrivée est assez courante."

Ce n'est pas la seule chose qui reste floue ou imprécise autour de la naissance du Christ. Par exemple, rien dans le texte biblique ne fait mention du 25 décembre. "L'association de la naissance de Jésus au 25 décembre repose davantage sur la fête romaine "sol invictus", fête du solstice d'hiver, moment où les jours arrêtent de décroître et recommencent à croître", explique André Myre. Cette fête de solstice, fête de la lumière, a pu apparaître tout indiquée aux premiers chrétiens, pour célébrer l'enfant qui représentait, à leurs yeux, la "lumière du monde". Ce sont des modifications de calendrier, faites au cours des siècles, qui expliquent que l'on situe aujourd'hui le solstice d'hiver le 21 ou 22 décembre; il y a 2000 ans, c'était le 25 décembre!

Etoile, année imprécise, anniversaire déplacée: pas étonnant devant tant d'incertitudes, que les tentatives d'explications scientifiques entourant la naissance de Jésus se cantonnent, aujourd'hui encore, dans des conditionnels prudents...