Je viens tout juste de terminer un article sur les nanotechnologies publié dans le mensuel « Le Monde diplomatique » du mois de mars. Contrairement aux articles qu'on lit normalement, qui portent aux nues ce champ de recherche, celui-ci propose une discussion beaucoup plus pesée et critique. Il y a quelques semaines, on m'avait posé une question au sujet des dangers que pourraient comporter les nanotubes de carbone entre les mains d'un groupe de terroristes. J'avais alors répondu que leur prix était bien trop élevé pour qu'elles soient réellement utilisées par ces groupes. Malheureusement, il semble que les dangers puissent être plus grands dans une utilisation de tous les jours. On n'arrête pas le progrès...

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L'expression « nanotechnologie » recouvre une gamme variée de systèmes et d'applications. Profitant des financements importants accordés dans le domaine, une bonne partie des physiciens de la matière condensée et des chimistes se sont rebaptisés nanoscientifiques. En effet, tout ce qui porte sur la fabrication de structures organisées sur une taille allant de quelques atomes à quelques dizaines d'atomes entre dans cette catégorie. Ceci inclut la fabrication de molécules — un champ qui définit la chimie traditionnelle dans son ensemble, mais aussi de nouveaux domaines basés sur l'auto-assemblage, par exemple.

Ainsi, la fabrication de circuits électroniques de plus en plus petits, bien qu'atteignant des tailles nanométriques (la prochaine génération de puces sera composée de fils de 90 nm de large), n'est pas à proprement parler de la nanotechnologie. Tour de force technologique, il n'en reste pas moins que les techniques utilisées ne sont que des raffinements de méthodes en place depuis de nombreuses années. Nulle part ne fait-on appel à de nouvelles propriétés des semi-conducteurs qui pourraient dominer à cette échelle; au contraire, on continue de penser ces circuits avec les mêmes modèles que ceux utilisés pour des circuits 10 ou 100 fois plus gros.

La situation est similaire lorsqu'on parle de nanotubes de carbone ou de nanograins d'oxyde de titane. Pour beaucoup d'applications, ces matériaux sont utilisés essentiellement pour leurs propriétés classiques, telles que la rigidité ou leurs propriétés optiques. Il s'agit bien plus d'une chimie classique que de la fabrication de structures dont les propriétés dépendent intrinsèquement de leur petite taille. Là où ça se gâte, c'est qu'on ne connaît pas généralement l'impact de ces structures sur l'environnement ou sur le vivant. Ainsi, il est possible que ces structures très petites, mais inorganiques puissent se loger dans les alvéoles pulmonaires ou même traverser les barrières qui protègent le cerveau. La nouveauté est vraiment qu'on relâche dans l'environnement de nouvelles formes dont on connaît très peu les propriétés. Déjà, tel que cité dans le Monde diplomatique, certaines études suggèrent que ces nanoparticules peuvent traverser la barrière placentaire, et donc pourraient affecter les fétus.

Les dangers sont certainement bien moindres lorsqu'on considère des nanostructures intégrées à des objets macroscopiques. Ainsi, on travaille présentement au développement de surfaces de puces de silicium ou d'autres matériaux nanostructurés sur lesquels on pourrait déposer des molécules organiques afin de créer des interfaces organo-électroniques. Comme la puce elle-même est macroscopique (typiquement une taille de plusieurs mm), il n'y a pas de danger qu'elle disparaisse dans l'environnement.  Quant aux nanorobots ou nano-outils, encore une fois, les risques apparaissent surtout si les objets se présentent sous forme de poudre plutôt qu'intégrées à de grands systèmes et, surtout, parce qu'on ignore généralement comment ces objets vont réagir dans l'environnement chimiquement varié que représente notre écosystème.

Il ne fait aucun doute que ces nouvelles technologies doivent être testées avec soin avant de les produire sur de grandes échelles. Les scientifiques qui les développent n'ont souvent pas la formation nécessaire pour faire ces tests et tendent à travailler dans des environnements très contrôlés et protégés afin, en général, d'éviter de contaminer leurs échantillons. Le gouvernement doit certainement mettre des normes en place afin d'obliger des tests toxicologiques sur chacun de ces produits ou simplement étendre celles qui devraient l'être lorsqu'on décide d'utiliser tout nouveau produit chimique ou biologique.

Ni plus, ni moins.

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