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Peut-on analyser les théories du complot comme un problème de santé publique? Rien ne s’y oppose, mais il reste toutefois à démontrer si ça aiderait à combattre les QAnon de ce monde.

Une théorie du complot n’est pas simplement une fausse croyance, ou plus exactement, un amalgame de fausses croyances et d’affirmations trompeuses. C’est aussi un facteur susceptible de créer du stress et de l’anxiété chez ceux qui y adhèrent, susceptible de les isoler de leurs proches, de générer des comportements dangereux, obsessifs... 

La courte histoire de QAnon l’a démontré : aux États-Unis, ce « mouvement » né en 2017 d’un banal message sur un forum en ligne, mouvement qui s'est ensuite mis à alléguer que nous sommes gouvernés par une élite pédophile et sataniste, a conduit des gens à commettre des actes de violence, à harceler et intimider des médecins, des journalistes et des personnalités publiques, à s’enfermer dans des « bulles de filtre » sur les médias sociaux, à nier l’importance de la pandémie ou, inversement, à promouvoir des traitements dangereux. Les adhérents à cette théorie étaient très présents dans l’assaut contre le Capitole, à Washington, le 6 janvier 2021.

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Dans son ouvrage The Other Pandemic :  How QAnon Contaminated the World, le journaliste James Ball défend l’idée que QAnon et des théories similaires se répandent à la manière d’un virus —d’où le titre de son livre— en gagnant de nouveaux adhérents dans des groupes qui ne croient pas du tout à l’histoire de l’élite satanique, mais croient à un grand complot pour gouverner secrètement le monde. Au point où le mouvement a amalgamé pendant la pandémie des groupes antivaccins, anti-5G, anti-Forum économique mondial. Et au point où, tout récemment, certains y ont amalgamé des idées comme les « quartiers 15 minutes » qui, plutôt que d’être des façons de réduire les gaz à effet de serre, seraient des complots pour enfermer les gens dans leur pâté de maison. 

Mais même en admettant qu’il y ait un impact mesurable sur la santé physique et mentale de la population, cela ne révèle rien sur ce que serait le « traitement » le plus efficace. Dans l’univers de la santé, on emploie les mots « intervention non pharmaceutique » pour désigner tout ce qui n’est pas un médicament : par exemple, pendant la pandémie, le masque et la distanciation sociale étaient des interventions non pharmaceutiques. Quel serait l’équivalent face à l’expansion des théories du complot?

À l’évidence, une meilleure culture scientifique du public et davantage d’éducation à l’information, ça aiderait. Mais James Ball ne s’aventure pas sur ce terrain, lui reproche le journaliste spécialisé dans les technologies Chris Stokel-Walker. De toutes façons, quelle que soit l’intervention, ajoute le chroniqueur Rafael Behr dans The Guardian, elle atteindra vite ses limites « sans une réforme plus large de l’infrastructure numérique qui crée un terreau fertile pour cette infodémie maligne ».

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