teaparty.jpg
Donc, les scientifiques ne s’expriment pas beaucoup sur la place publique. Mais ce n’est pas comme si on manquait d’arguments pour les convaincre de le faire.

Deux chercheurs américains se sont même livré à l’exercice : ils ont passé en revue la littérature (en anglais) sur les arguments « pour » et « contre » une prise de position ou une présence accrue dans l’espace public. Leur conclusion : la balance penche davantage du côté « pour ».

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

La science, ont ainsi écrit en mai 2009 et en août 2010 Michael Nelson, professeur en éthique de l’environnement à l’Université d’État du Michigan et John Vucetich, professeur d’écologie à l’Université technologique du Michigan, représente « inévitablement une forme de plaidoyer (advocacy) ». Ne pas défendre nos conclusions pourrait être « nuisible » pour la société. Le scientifique, en tant que citoyen, aurait « l’obligation morale » de défendre son point de vue.

En ces semaines de sprint final avant les élections de mi-mandat aux États-Unis, le 2 novembre, ils furent plus nombreux que jamais à espérer que ces deux auteurs aient raison. Parce que ces élections, aussi locales soient-elles, débordent d’enjeux scientifiques qui auront un impact sur le reste de la planète. Dix-neuf des 21 républicains qui ont de bonnes chances d’être élus ou réélus au sénat ont affirmé que la science du climat est fausse. 35 des 37 candidats républicains aux postes de gouverneurs, rejettent soit l’idée d’un réchauffement planétaire, soit l’idée de réglementer les gaz à effet de serre. Et ils ne sont même pas tous avec le Tea Party qui, lui, affiche fièrement une attitude anti-science : le réchauffement est un canular, l’évolution une légende, la recherche sur les cellules souches un péché.

Mais comment un scientifique peut-il s’insérer dans un débat aussi polarisé? L’Académie américaine des arts et sciences lançait à ce sujet une vaste réflexion en 2008 :

Que devrait faire la communauté scientifique lorsque des conflits éclatent entre des scientifiques et une partie du public? ... Un flot régulier de scissions a grandi au fil des années, sur des sujets allant des changements climatiques à l’évolution en passant par la vaccination et les OGM.

Jusqu’ici, pour plusieurs scientifiques, la première réponse qui venait à l’esprit était : ils sont ignorants. Informons-les. Le « ils » désignant tantôt le citoyen, tantôt le journaliste.

Or, c’est une vision qui se révèle naïve... et paternaliste. Comme si le savoir était quelque chose allant nécessairement du haut vers le bas, distillé goutte à goutte des « savants » vers le petit peuple.

En juin dernier, en prévision d’un colloque clôturant sa réflexion, l’Académie des arts et sciences confiait au journaliste Chris Mooney le soin de pondre une conclusion plus nuancée : les scientifiques ont besoin de mieux comprendre le public, et vice-versa, écrivait-il.

Un public scientifiquement mieux informé, n’est pas nécessairement la même chose qu’un public qui va prendre plus souvent le parti des scientifiques. Peut-être avons-nous plutôt besoin d’un public plus familier, plus à l’aise avec les scientifiques, et plus confiant. Un public plus souvent impliqué par la communauté scientifique dans des discussions sur des sujets potentiellement controversés; et surtout, qui est impliqué avant que les véritables conflits n’éclatent.

Présenté ainsi, ça semble relever du gros bon sens et pourtant, ça impliquerait une redéfinition de la façon dont on envisage traditionnellement le rôle du scientifique vulgarisateur, et celui du journaliste scientifique.

++++++++++++

Dans la 3e et dernière partie : quel journaliste scientifique?

Je donne