En décembre dernier, des chercheurs de l’Université du Texas ont publié les résultats de recherches intrigantes : des souriceaux qui possèdent le bagage génétique de deux souris mâles ont vu le jour. Il s’agit de la première naissance de mammifères ayant des parents biologiques du même sexe. De nombreuses espèces d’animaux, dont les lézards queue-en-fouet, se reproduisent à l’état sauvage entre partenaires de même sexe, toutefois aucun exemple de ce genre n’avait encore été répertorié chez les mammifères.

Comment alors des souris bipaternelles ont-elles vu le jour? L’équipe du docteur Richard R. Berhringer, du centre de recherche sur le cancer M.D. Anderson, a tout simplement utilisé des cellules souches pluripotentes induites (iPSCs) provenant de fibroblastes (cellules du système immunitaire) de souris génétiquement modifiés. Ces modifications servent à déterminer la filiation des souriceaux. Ainsi, les chercheurs avaient en main des cellules souches provenant d’un premier spécimen mâle. Un faible pourcentage de ces cellules ont spontanément perdu leur chromosome Y, pour donner lieu à des familles cellulaires qui ne possèdent qu’un chromosome sexuel, à la manière des femmes atteintes du syndrome de Turner.

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Ces cellules ont alors été injectées dans un embryon femelle d’environ une semaine pour former une chimère qui possédait à la fois son propre code génétique et celui du premier père. Le bébé chimérique s’est ensuite développé jusqu’à former un adulte qui a été fécondé naturellement par le deuxième père. Un peu plus du quart des souriceaux issus de cette technologie portent simultanément le bagage génétique des deux pères.

Le docteur Berhringer a spécifié que l’utilisation de chimères pourrait être supprimée en formant les ovocytes (cellules des ovaires) in vitro directement à partir des iPSCs et en effectuant la fécondation in vitro de ces ovules artificiels. L’absence de nécessité de travailler avec un chimère mature épargnerait des temps d’attentes considérables, si cette technologie en venait à être appliquée sur des animaux dont le cycle générationnel est plus long.

Le chercheur rappelle néanmoins que les applications thérapeutiques chez l’humain ne sont pas encore envisageables, puisque la formation d’iPSCs nécessite encore du raffinement. De plus, en raison du traitement lui-même, un enfant sur sept serait atteint du syndrome de Turner alors qu’il n’affecte normalement qu’un individu sur 5000. Ce risque oppose à lui seul un lourd argument éthique quant à l’utilisation de cette technologie chez l’homme.

Parmi les applications envisagées se trouvent notamment la préservation d’espèces animales sans individus femelles survivants, l’obtention facilité de traits génétiques désirables, dans l’élevage animal, ainsi que le traitement de l’infertilité. Avant d’exploiter ces voies, il faudra tout de même prendre le temps de s’arrêter et de se questionner : jusqu’à quel point pouvons-nous jouer à Dieu?

François M.

Petit rappel sur les iPSCs En savoir un peu plus sur les lézards queue-en-fouet

Ce billet a été écrit dans le cadre d'un travail d'équipe pour le cours RED2301 - Problèmes de vulgarisation, donné par Pascal Lapointe, à l'Université de Montréal à la session d'hiver 2011.

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