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« C’est comme si je venais d’entendre prononcer ma sentence de mort ! » « J’en ai été complètement bouleversé ! » : réaction de Claire et de Josh qui viennent d’apprendre la présence, dans leur profil génétique, de deux copies de l’allèle APOE-e4.

Ces cris du cœur sont rapportés par la scientifique Donna A. Messner dans un article du numéro de mars 2011 de la revue New Genetics and Society *. Elle voulait essayer d’y voir un peu plus clair sur les implications, dans la vie des gens, des tests génétiques offerts « directement au consommateur », qui deviennent de plus en plus populaires. Et elle a choisi de s’intéresser aux tests prédictifs concernant l’Alzheimer.

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Mettre les choses en perspective La recherche de madame Messner doit cependant être mise en perspective. Oui, la lecture du témoignage de Claire et de Josh est inquiétante. Il faut toutefois savoir que les deux avaient une histoire de famille où de nombreux cas de « démence » avaient été observés dans le passé. Il faut savoir aussi que, si la présence de l’allèle APOE-e4 dans le génotype d’une personne est associée à un risque accru de développer la maladie, elle ne peut toutefois être utilisée pour prédire qu’une personne développera la maladie.

Les deux formes de la maladie d’Alzheimer Le site Internet de la Société Alzheimer nous rappelle que cette maladie se présente sous deux types : la forme familiale autosomique dominante (FAD) et la forme sporadique.

La FAD (celle que nous présente la recherche de madame Messner) est rare et représente approximativement 10 % de tous les cas d'Alzheimer. Cette forme de la maladie est héréditaire et elle se déclare si son gène est présent. Dans certaines familles, la FAD est transmise directement d'une génération à l'autre par l'intermédiaire d'un gène à caractère dominant. Ces gènes héréditaires exercent une grande influence : si l'un des parents a la FAD, chacun des enfants aura une probabilité de 50 % d'hériter de la maladie. Si les deux parents ont la FAD, 75 % de leurs enfants développeront la maladie d'Alzheimer à l'âge adulte. Cette forme de la maladie d'Alzheimer est généralement associée à son apparition précoce, avant l'âge de 65 ans.

La forme sporadique de la maladie d'Alzheimer est la plus courante. Elle représente 90 à 95 % de tous les cas. La maladie se déclare habituellement après l'âge de 65 ans. De nombreuses études indiquent que les personnes dont un parent (père, mère, frère ou sœur) est atteint de la maladie d'Alzheimer courent un risque plus grand de développer la maladie que ceux qui n'ont aucun antécédent familial. Cependant, le rôle de l'hérédité dans la forme sporadique de la maladie d'Alzheimer n'est pas clair et continue à faire l'objet de nombreuses recherches.

Et les tests génétiques alors ? Le test génétique prédictif de la maladie d’Alzheimer peut être utilisé seulement chez les familles qui présentent une hérédité très spécifique associée à la FAD. Pour la vaste majorité des familles qui ont la maladie d'Alzheimer, les tests prédictifs ne sont pas possibles. Par ailleurs, dans les autres cas, un test génétique ne peut servir à déterminer si une personne développera la maladie.

Les tests prédictifs s’adressent donc à une population très restreinte : les familles où l’hérédité est importante. Et encore ! Ce n’est pas tout le monde qui veut connaître ce qui l’attend en ce domaine. Dans l’étude de madame Messmer, par exemple, Claire voulait savoir (sa mère en était atteinte, sa grand-mère et son arrière-grand-mère en étaient décédées). Josh, lui, s’est rappelé l’historique de démence dans sa famille seulement après avoir reçu le résultat des tests génétiques passés à l’initiative de son employeur, alors que sa préoccupation était le taux un peu élevé de glucose de son sang.

Quand aux tests génétiques qui, par exemple, seraient basés sur le génotype APOE, ils ne sont pas offerts au Canada selon le site Internet de la Société Alzheimer, n’étant pas recommandés par plusieurs comités internationaux. Malheureusement, avec l’approche « directement aux consommateurs », au moins deux sociétés (Navigenics et deCODE) l’offrent actuellement à partir de leur site Internet.

Consentement, consultation, confidentialité Quelle que soit la situation, les trois «C » mentionnés sur le site Internet de la Société Alzheimer sont primordiaux. La personne qui subit le test doit être très bien informée du genre de test à laquelle elle est soumise et des résultats potentiels et elle doit donner un consentement éclairé au test. Comme on sait que les résultats des tests peuvent avoir des répercussions importantes à différents niveaux (psychologique, juridique, éthique), la consultation auprès de professionnels compétents doit aussi faire partie intégrale du protocole du test. On doit finalement garantir aux personnes impliquées que tous les résultats des tests demeureront confidentiels.

Dans le cas de Claire et de Josh, seul le « c » de la confidentialité semble avoir été observé pour les deux. En ce qui concerne le consentement, si Claire voulait savoir, Josh, lui, ne s’attendait nullement aux résultats obtenus. Et aucun des deux n’a bénéficié d’une consultation professionnelle, ce qui explique sans doute un peu leur réaction à la réception des résultats.

Savoir ou pas ? En guide de conclusion On ne peut s’opposer à ce que la science avance dans sa recherche des gènes liés aux maladies qui risquent d’affecter davantage notre civilisation, comme l’Alzheimer (on a encore annoncé de nouvelles découvertes au début d’avril 2011, au moment où je rédigeais ce blogue).

Toutefois, quand il est question de cette maladie incurable dont on ne peut, au mieux, que retarder un peu les effets, je préfère essayer de mener la vie la plus saine possible sans trop me préoccuper du reste… et remercier le Ciel qu’il n’y ait pas de FAD dans ma famille.

Jean-Luc Beauregard

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