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Je suggérais dans le billet précédent aux journalistes scientifiques —et aux blogueurs de science— de s’intéresser au feuilleton de l'été, celui de l’État-surveillance —l’agence américaine NSA, le lanceur d’alertes Edward Snowden, et le reste. Qu’ont à voir là-dedans journalistes et blogueurs scientifiques? Ils font partie du problème, et de la solution.

 

En fait, peut-être encore plus les blogueurs que les journalistes, parce qu’ils sont plus nombreux, et qu’ils se sentent souvent —à tort ou à raison— plus près de ce « peuple » qui se découvre aujourd’hui encore plus sous surveillance électronique qu’il ne l’aurait cru. C’est le professeur de journalisme Jay Rosen qui a exprimé en mots ce que cela signifie à l’heure d’Internet :

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La bataille est mondiale. Autant l’État-surveillance est un acteur international —non pas un seul gouvernement, mais plusieurs travaillant de concert—autant la bataille pour dévoiler l’étendue du système secret est également mondiale.

 

En fait, le feuilleton de cet été —que vous l’ayez suivi attentivement ou non— nous révèle ce qu’est devenu Internet, le pire —capacités accrues de nous espionner en toute impunité— mais aussi le meilleur —transcender les frontières pour s’entraider, liberté de parole accrue, capacité de critiquer, de partager...

Au moment d’écrire ces lignes, le plus récent scoop (les services de renseignement américains et britanniques ont brisé la plupart des systèmes d’encodage) avait été publié simultanément par trois médias situés dans deux pays : le Guardian, le New York Times et Pro Publica —et cette triple publication était une façon délibérée de contrer toute velléité par un gouvernement d’empêcher la publication du reportage sur son territoire.

C’en est au point où même un groupe s’identifiant comme «une coalition d’anciens et actuels militaires et policiers» achète un espace publicitaire dans le métro de Washington... station du Pentagone. Où ils saluent Edward Snowden comme un héros qui «a honoré son serment», contrairement aux espions de la NSA «qui espionnent les Américains».

Mais sortons des États-Unis. L’autre raison pour laquelle autant des journalistes que des groupes de défense des libertés civiles et des gourous de la cryptographie en appellent à une levée de boucliers transcendant les frontières, c’est parce que ces révélations des derniers mois révèlent à quel point «les États-Unis ont été un gardien irresponsable d’Internet».

«Une levée de boucliers» ne se résume pas à manifester dans la rue. L’expert en cryptographie Bruce Schneier, avec le bagage qui est le sien, peut par exemple recommander à ses collègues de développer des systèmes d’encodage qui ne soient pas du ressort des grandes compagnies américaines qui ont collaboré avec la NSA. Des chroniqueurs qui s’y connaissent en sécurité peuvent tester pour leurs lecteurs des outils pour mieux protéger leurs données personnelles, et pour mieux protéger les autres internautes. Les blogueurs de science, eux, ont les connaissances, ou le talent, ou le public, pour creuser davantage certaines des questions que j’énumérais dans le billet précédent —d’autant qu’en français, il y a un gros manque.

 

 

Parce que mieux informer les gens, c’est aussi ça, le meilleur d’Internet. Retour à Jay Rosen:

 

La bataille à laquelle je fais référence n’est pas État versus citoyens. Ce n’est pas non plus gouvernement versus presse. Ce sont l’ensemble des forces de la surveillance au sein des gouvernements (plus les politiciens et les journalistes qui s’identifient à elles) contre quiconque s’oppose à leur étendue : journalistes d’enquête et leurs sources spécialement, cryptographes et experts en technologie, défenseurs du droit de parole, investisseurs, annonceurs courageux, activistes numériques, sympathisants au sein d’un gouvernement, blogueurs pour amplifier le message et, bien sûr, lecteurs. Beaucoup de lecteurs, qui vont partager et diffuser le travail.

 

 

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