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Ces derniers jours, on a fait grand cas d’histoires absurdes qui semblent démontrer combien certaines personnes gagneraient à s’informer sur Ebola. Et pourtant.

Et pourtant, la direction de CNN annonçait cette semaine que dans le cadre d’une nouvelle vague de coupes (300 personnes), l’essentiel de son équipe en charge de l’information médicale allait partir. Manifestement, il ne se passe rien d’important en santé ces jours-ci.

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Quant aux Québécois (très) attentifs à ce sujet, ils se sont fait rappeler la semaine dernière, par un blogue de la journaliste Valérie Borde, combien est précaire le financement des petits organismes de culture scientifique, dont dépend une bonne partie du journalisme scientifique au Québec —hormis les deux émissions de Radio-Canada.

Or, revenons à nos histoires absurdes autour d’Ebola.

Et la cerise sur le gâteau, considérant du lieu d’où elle provient: le photojournaliste Michel du Cille, trois fois prix Pulitzer, devait venir raconter à des étudiants universitaires en communication et en journalisme ses reportages récents sur Ebola. Bien qu'il soit revenu depuis plus de trois semaines, l’université a annulé par peur d'Ebola.

Ne faisons pas l’erreur de blâmer Fox News ou bien ces hurluberlus qui, écrivions-nous samedi, multiplient sur Amazon les livres sur Ebola. Mais à l’inverse, ne faisons pas non plus l’erreur naïve de croire qu’un excellent reportage à une heure de grande écoute réglerait le problème.

Parce que, tout de même, on parle ici d’un programme universitaire en communication publique —dont les dirigeants doivent sûrement connaître la différence entre des sources d’information fiables et douteuses. On parle de directions d’écoles. On parle de gens qu’on ne peut pas se contenter de taxer d’ignorance. Beaucoup de ceux qui ont peur d’Ebola continueront d’avoir peur, même si on leur présente la meilleure émission spéciale du monde sur le sujet.

Pourquoi cela? La raison commence à être étudiée par la psychologie et par les neurosciences, et on s’entend pour dire que le fait de croire à quelque chose de pseudoscientifique n’est pas nécessairement lié à de l’ignorance. Plutôt à ce que nous avons de plus profond en nous: notre identité. Par exemple, l’idéologie politique ou religieuse à laquelle nous adhérons.

Ou encore, notre perception du risque. Si nous étions des animaux vraiment rationnels, cette perception s’appuierait sur une lecture attentive des statistiques, mais bien sûr, il n’en est rien : nous nous fions beaucoup plus à notre intuition... laquelle peut avoir été contaminée il y a longtemps par un film dans lequel Dustin Hoffman combattait un inquiétant virus. Si tel est le cas, pour déloger Dustin Hoffman, il faut plus qu’un reportage, aussi bien fait soit-il. C’est par l’accumulation d’informations et surtout d’émotions qu’on y arrivera éventuellement, et ça, c’est diablement difficile, dans cet écosystème de l’information où, on vient de le dire, le journalisme scientifique occupe une portion congrue et rarement bien financée.

« Les gens s'inquiètent davantage des risques lorsqu’ils sentent ne pas être en contrôle », écrit la blogueuse Paige Brown. Une autre façon de dire que de blâmer les animateurs de radio et de télé alarmistes, ça défoule, mais de rappeler combien, en Amérique et en Europe, nous sommes bel et bien en mesure de contrôler le virus, ce serait plus efficace. On peut essayer d’y arriver en rappelant que pour trois cas d’Ebola jusqu’ici en Amérique, il y aura cet hiver des milliers de morts de la grippe, à propos desquels personne ne panique. Ça s’appelle relativiser. Mais on pourrait aussi y arriver en essayant d’insuffler d’autres images fortes, pour remplacer Dustin.

Essayez par exemple de nous parler de la gravité de la situation en Afrique plutôt que de nous réexpliquer ad nauseam la façon par laquelle Ebola ne peut pas se transmettre. Humanisez cette histoire, donnez-lui des images, des récits, même si ce sont des récits pénibles de gens qui souffrent dans des conditions sanitaires inacceptables à nos yeux d’Occidentaux. Ça peut faire comprendre, mieux que tous les tableaux statistiques, que la vraie nature du risque que pose Ebola varie du tout au tout, dépendamment du continent sur lequel on a les pieds. Et ça peut faire comprendre où se trouve la véritable urgence.

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