Cest la découverte
étonnante quont annoncé
la semaine dernière des chercheurs néerlandais
dans
la prestigieuse revue Science.
"Je pense que ce cas isolé est assez
rare, puisque cest la première
fois quon le découvre", a
résumé tant bien que mal aux journalistes
le chercheur principal, Andrew Weeks, de lUniversité
dAmsterdam.
Dans les faits, il existe, dans
la nature, des centaines despèces
danimaux (insectes, lézards, serpents
et poissons, mais pas de mammifères,
du moins à notre connaissance) qui ne
sont composés que de femelles: celles-ci
se contentent de pondre des oeufs qui contiennent
des copies de leurs propres gènes. De
cette façon, on ne voit jamais naître
de mâles. Mais le cas décrit dans
Science, celui de cet acarien appelé
Brevipalpus phoenicis, est pour le moins
particulier: on voit bel et bien des embryons
de mâles dans cette société...
mais
une bactérie provoque rapidement des
changements de sexe qui les ramènent
à la "normale".
Cela repose la vieille question
de la supériorité du sexe. En
effet, du froid point de vue des biologistes,
la reproduction que nous connaissons tous, qui
a pour conséquence de procéder
à un brassage des gènes de deux
individus, est parfois moins efficace que la
reproduction qui consiste à recopier
un seul groupe de gènes: après
tout, cest ce que font par exemple les
bactéries depuis quatre milliards dannées
lorsquelles se divisent en deux, et elles
se débrouillent très bien. Chez
elles, ce sont les mêmes gènes,
dun individu à lautre: sil
y a une erreur dADN, elle sera éliminée
(lindividu mourra) ou elle se perpétuera
si elle permet à cet individu de survivre
plus efficacement.
Et ainsi, les biologistes croyaient
avoir tout délimité. Dun
côté, les bestioles qui, comme
nous, transportent avec eux deux séries
identifiques de chromosomes (ces espèces
sont appelées diploïdes) et
de lautre, celles qui nont quune
série (haploïdes): dans cette
dernière catégorie, les bactéries,
et ces animaux, mentionnés plus haut,
qui ne rassemblent que des femelles.
Cet acarien très spécial,
qui vit dans les régions sub-tropicales
(de la Californie au Brésil en passant
par la Floride) et se nourrit de plants de café,
de thé et de citron, vient donc rebrasser
les cartes. Certes, les bactéries ont
un mode de reproduction plus efficace, mais
en contrepartie, elles névoluent
pas: dun milliard dannées
à lautre, elles sont toutes pareilles.
Et il en est de même de toute espèce
haploïdes... sauf celle-ci. Et
cest donc la faute à une bactérie.
Comme on pu le constater Weeks
et ses deux collègues, les oeufs de cet
acarien sont enrobés par cette bactérie.
Les chercheurs ont donc injecté là-dedans
de solides doses dantibiotiques, afin
de se débarrasser de cette bactérie,
et ont observé ce qui se passait. Et
sous leurs yeux éblouis, les oeufs non-infectés
ont donné naissance à des mâles,
tandis que les oeufs toujours infectés
ne donnaient naissance quà des
femelles. Autrement dit, cest au stade
embryonnaire que la bactérie opère
ce changement de sexe.
Comment le fait-elle, on nen
sait rien pour linstant, mais logiquement,
cela doit avoir quelque chose à voir
avec la survie de la bactérie elle-même:
en se nourrissant des hormones et en conservant
la population entièrement femelle, la
bactérie sassure quelle aura
toujours ce type de garde-manger à sa
disposition.