Toute
cette histoire,
en effet, repose
sur les mystérieuses
capacités
des cellules-souches:
des cellules qui
apparaissent chez
un embryon, aux
premiers jours de
son développement,
et qui ne se sont
pas encore spécialisées.
L'espoir des scientifiques,
c'est justement
de parvenir à
leur "ordonner"
de se spécialiser
en ce qu'on veut
(cur, rein,
poumon, peau, etc.).
Or, si on veut une
provision de cellules-souches
qui donneront des
organes compatibles
avec Monsieur X,
il faut produire
un clone de Monsieur
X -donc, un embryon.
Avec toutes les
questions éthiques
soulevées
depuis une semaine.
Mais
en réalité,
il existe des cellules-souches
ailleurs que dans
un embryon. Parallèlement
aux recherches sur
des cellules-souches
d'embryons, de nombreux
chercheurs tentent
de percer les secrets
des cellules-souches
d'adultes, depuis
quelques années.
Si on parvient à
"ordonner"
à ces cellules
adultes, on a aussi,
en bout de ligne,
un organe ou un
morceau de peau
compatible, puisqu'il
s'agit là
d'un "clone" de
l'organe ou du morceau
de peau de Monsieur
X. A cette différence
près que
ce "clone" n'est
qu'un amas de cellules
qui a grossi dans
une éprouvette,
et non un embryon.
Les
chercheurs sont-ils
plus près
d'une réussite
dans la "reprogrammation"
des cellules-souches
d'embryons ou d'adultes?
Nul ne peut le dire,
bien qu'un succès
encourageant ait
été
annoncé vendredi
dernier, 30
novembre, sur des
cellules-souches
d'embryons, dans
deux travaux distincts
menés à
l'Université
du Wisconsin et
à l'hôpital
universitaire Hadassah
de Jérusalem.
Dans les deux cas,
les chercheurs sont
parvenus à
obtenir des cellules
du cerveau à
partir de cellules-souches
d'embryons. En revanche,
à en juger
par les résultats
pour le moins douteux
obtenus par la compagnie
américaine
Advanced Cell Technology
(ACT) dans cette
expérience
qui a fait les manchettes
la
semaine dernière,
on est encore loin
d'une vraie réussite
du côté
du clonage d'embryons:
la grande majorité
des tentatives d'ACT
se sont soldées
par un échec,
et les autres ont
abouti à
des clones de cinq
jours, dont le développement
s'est arrêté
à six cellules,
sans que personne
n'ait compris pourquoi.
Bref,
si le clonage de
cellules-souches
d'adultes devenait
réalité,
alors toutes les
discussions actuelles
sur la légitimité
de cloner des embryons
humains à
des fins médicales
deviendraient obsolètes.
Puisqu'une cellule
de votre peau, clonée
ou pas, ne pose
aucun problème
moral, elle.
Et
si le clonage humain...
...devenait
acceptable?
Epineuse
question. Tabou.
En public, à
peu près
tous les scientifiques
s'accordent pour
rejeter le clonage
d'individus. Mais
en privé?
En privé,
il leur arrive souvent
de lâcher
une remarque embarrassée:
"je ne sais pas
trop comment dire
ça; mais
au fond de mon cur,
je ne pense pas
que le clonage soit
intrinsèquement
mauvais".
C'est
ainsi que le New
York Times,
dans son édition
de dimanche, démarre
une réflexion
inattendue, lancée
lors d'un dîner
récent, à
Washington, entre
bioéthiciens.
Après que
l'un d'eux eut fait
la remarque embarrassée
en question, les
autres osent dire
tout haut ce qu'ils
pensaient tout bas.
"Aucun, résume
le Times,
n'a
dit que le clonage
humain était
intrinsèquement
mauvais ou immoral.
Peu iraient le dire
en public, toutefois.
C'est un peu comme
la période
McCarthy. Il n'y
a personne dans
la partie adverse."
C'est
en effet un bien
curieux débat
que celui de la
semaine dernière,
lancé par
la compagnie ACT,
qui a annoncé
être parvenue
à cloner
des embryons humains.
Plusieurs ont dit
qu'un tel clonage,
tant
qu'il n'était
qu'à des
fins thérapeuthiques,
était acceptable,
voire prometteur,
mais il y a eu unanimité
pour rejeter un
tel clonage, s'il
devait avoir pour
but la reproduction
-en d'autres termes,
produire un individu
complet, comme ce
fut le cas avec
la brebis Dolly.
Alors
où était
le débat?
Peut-être
dans ce qui n'est
pas dit. Il y a
par exemple tous
ceux qui prétendent
que la science a
le devoir de tout
faire pour aider
les couples infertiles.
Si le clonage devient
une solution médicalement
réalisable
-un gros "si"- pourra-t-on
légalement
s'y opposer?
Certes,
il y a bien d'autres
voies possibles
pour de tels couples,
de la fertilisation
in vitro jusqu'aux
mères-porteuses.
Mais toutes ont
leurs désavantages
et leurs limites.
La Société
américaine
de médecine
de la reproduction,
pourtant officiellement
opposée au
clonage, émet
discrètement
des bémols:
selon le président
de son comité
d'éthique,
John A. Robertson,
professeur de droit
à l'Université
du Texas, le clonage
pourrait être
autorisé
pour un petit nombre
de couples, ceux
qui souffrent d'infertilité
des gamètes.
Par exemple, l'homme
qui ne produit que
peu ou pas de spermatozoïdes:
plutôt que
de faire appel à
un donneur de sperme,
le clonage permettrait
d'utiliser l'ADN
de l'homme pour
"produire" ce futur
bébé.
Mais
aller dans une telle
direction soulèverait
inévitablement
des questions plus
vastes, au nom des
chartes des droits:
si on l'autorise
pour eux, pourquoi
pas pour les mères
célibataires,
les gens trop âgés
pour procréer,
ou les couples gays?
A cette objection,
le Dr Robertson
répond qu'il
prévoit "s'occuper
de ça plus
tard". Son collègue
Gregory Pence, éthicien
à l'Université
de l'Alabama y répond
tout de suite: il
ouvrirait la porte
à tout le
monde.
"En
autant que je puisse
en juger, il n'y
a absolument aucune
base constitutionnelle
sur laquelle le
gouvernement puisse
s'appuyer pour vous
dire comment vous
pouvez engendrer
des enfants. Si
vous décidez
de cloner Oncle
Harry parce qu'il
était brillant
et amusant et a
vécu jusqu'à
90 ans, je ne vois
pas pourquoi quelqu'un
n'aurait pas le
droit de le faire,
à partir
du moment où
c'est sécuritaire."