De longues, très longues séquences
dADN : elles sont là, partout,
toujours pareilles, dun Européen à
lautre. Dans le cadre dune recherche
qui avait dabord pour but de retracer lorigine
de gènes liés à diverses maladies,
des généticiens ont ajouté
une autre pierre à notre arbre génétique.
Ils ont mesuré lécart génétique
qui sépare les Européens et
les gens dAmérique et dAustralie
de descendance européenne- pour découvrir
quil était vraiment très mince.
Remontez 60 000 ans en arrière, peut-être
moins de 50 000 ans, et vous trouverez à
peine 50 personnes, ancêtres communs à
tous les Européens, du Nord au Sud et de
lEst à lOuest.
Et au passage, ces chercheurs ont
renforcé lhypothèse, décidément
de plus en plus solide, selon laquelle tous les
humains, si on remonte un tout petit peu plus loin,
descendent dun tout petit groupe dhumains
venus dAfrique.
" Ce sont des régions
dhistoire partagée ", explique
David Reich, en parlant de ces séquences
dADN qui se répètent inlassablement.
David Reich est membre de lInstitut Whitehead
de Cambridge, Massachusetts, au centre de lanalyse
dont il est question ici, et que publie la revue
Nature.
Cest évidemment loin
dêtre la première étude
à avoir tenté den apprendre
plus sur les liens génétiques qui
unissent tous les humains. Mais à mesure
que la technologie et les connaissances du génome
progressent, il est possible daller de plus
en plus loin. Jusquici, les séquences
dADN analysées mesuraient quelques
milliers de paires de base. Cette fois, cest
jusquà 60 000 que Reich et ses collègues
sont montés. Et déjà, dautres
équipes sont en train de marcher sur leurs
pas, pour aller encore plus en profondeur.
Coïncidence, cette recherche
paraît au moment même où, à
lautre bout du monde, une
équipe chinoise confirme lhypothèse
dune origine africaine. Ce qui, venant
de ce coin du monde, nest pas banal, puisquil
y a quelques mois, un mouvement semblait émerger
là-bas, en faveur dune origine "multi-régionale"
(en dautres termes, il y aurait eu plusieurs
groupes humains, les uns venant dAfrique,
les autres dAsie). Cette fois, des chercheurs
américains et chinois ont examiné
le chromosome Y de plus de 12 000 hommes provenant
de 163 populations dAsie et dOcéanie.
Et ce quils ont trouvé élimine
la thèse multi-régionale : parce
quils nont trouvé que des marqueurs
génétiques propres à une mutation
que lon sait avoir émergé parmi
les ancêtres africains, et seulement eux,
il y a entre 35 000 et 89 000 ans.
Tout ceci peut sembler fort compliqué
et surtout, fort lointain. Mais quon ne sy
trompe pas : cest petit à petit
le portrait de ce que nous sommes, qui se dessine.
Le portrait dune famille tissée beaucoup
plus serrée que ce que des générations
et des générations ont voulu nous
laisser croire...