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semaine du 17 décembre 2001



Politique et science ne font pas bon ménage

Que diriez-vous si votre premier ministre décrétait que le cancer est un mal dont on a grossièrement exagéré l’importance, et qu’il refusait que les traitements oient remboursés par l’assurance-maladie? Que diriez-vous si cette décision avait pour conséquence que la majorité de la population soit incapable d’avoir accès à ces traitements, faute d’argent?


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On n’en a plus entendu parler depuis l’an dernier, alors que le président sud-africain Thabo Mbeki avait cette attitude face au sida et aux médicaments éprouvés, comme l’AZT, chose qui avait scandalisé les participants à la conférence internationale sur le sida, qui avait lieu, justement, en Afrique du Sud, à Durban. Mais la situation n’a aucunement évolué depuis : les autorités ne croient toujours pas à l’efficacité des médicaments, et refusent en conséquence de les financer, même pour les femmes enceintes. Pour ajouter l’insulte à l’injure, les autorités freinent aussi l’utilisation des médicaments génériques —ces "copies", moins coûteuses, des médicaments officiels, à propos desquelles l’Afrique du Sud a pourtant remporté une victoire éclatante devant les tribunaux, en avril, face à 39 multinationales pharmaceutiques.

"La distribution d’antirétroviraux (les médicaments anti-sida dont l’efficacité n’est plus à démontrer, dans les pays du Nord) serait une perte de temps et d’argent pour le pays", affirme sans rire Sam Mhlongo, professeur de médecine et membre du comité d’experts formé par le président Mbeki sur le sida —un comité d’experts dont la composition avait été dénoncée à l’époque, puisqu’il accordait une place prépondérante à des scientifiques dont on connaissait déjà les positions: non, le virus VIH et le sida ne sont pas liés, affirmaient-ils d'emblée; quant aux médicaments comme l’AZT, ils sont trop toxiques et font donc plus de mal que de bien.

Résultat: l’accès aux traitements existants, rapporte Libération, est toujours aussi limité. Certes, les prix ont baissé depuis deux ans, mais ils demeurent encore inabordables pour l’immense majorité de la population. On estime à 4,8 millions le nombre de Sud-africains contaminés par le VIH... soit plus de 10% de la population.

Et encore, l’Afrique du Sud est-elle un pays qui appartient à la catégorie des "riches". Dans le reste de l’Afrique noire, l’attitude des gouvernements est souvent tout aussi déphasée: en Côte d’Ivoire, au temps d’Houphouët-Boigny, le sida n'existait tout simplement pas; à sa mort, on a appris que ce pays était le plus atteint d’Afrique de l’Ouest! Au Gabon, Omar Bongo a un jour lié sodomie et sida, ajoutant qu’il s’agissait d’une "perversion" des Blancs. En juillet, au Kenya, Daniel Arap Moi a demandé à ses concitoyens de s'abstenir de relations sexuelles pendant deux ans. Importer des condoms? Vous n’y pensez pas! "En tant que Président, cela me gêne de devoir dépenser des millions de shillings à importer ces choses-là."

Aucun de ces chefs d’État n’était présent à la conférence des Nations Unies sur le sida, à New York, en juin dernier, et le président sud-africain était ostensiblement absent de celle, pan-africaine, de Ouagadougou (Haute-Volta), plus tôt ce mois-ci.

Il y en a tout de même quelques-uns qui se mouillent. Non seulement le président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, a-t-il prononcé le discours d’ouverture lors de la conférence de Ouagadougou, mais il accorde des entrevues où il plaide pour un accès universel aux médicaments anti-sida. Et surtout, il a accepté d’être photographié, sur une affiche, avec une sidéenne, dans le cadre d’une campagne d’éducation sur le sida. L’ancien président de la Zambie, Kenneth Kaunda, appelle pour sa part à une "guerre" contre le sida —il faut dire qu’il y a perdu un fils, en 1986.


Le sida accentue la pauvreté

Pour ceux qui en douteraient, une étude de l’ONU vient de souligner que cette épidémie constitue un "accélérateur de la pauvreté" en Afrique: elle est devenue le "principal facteur de destruction" de tout progrès économique qui tente de relever la tête. A moins d’un virage majeur, le sida se traduira par une baisse de croissance de 1% par an dans la majorité des pays touchés, et une régression du PIB par habitant de 10% d’ici 2010. Pour les pires parmi les pires, le Botwana et le Zimbabwé, l’étude, chapeautée par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) évalue qu’ils sont d’ores et déjà revenus de 40 ans en arrière: non seulement l’économie recule-t-elle, mais l’éducation aussi, ce qui, à long terme, est encore plus désastreux.

C’est que l’épidémie tue en grand nombre le personnel enseignant: "860 000 enfants ont perdu leur enseignant à cause du sida", en Afrique subsaharienne, selon l’auteur de l’étude, l’économiste français Luc-Joël Grégoire. La proportion d’enfants qui ne terminent pas leur primaire pourrait grimper de 31% en 2000 à 37% en 2010.

Au Malawi et au Swaziland, l’espérance de vie a chuté sous les 40 ans. Dans l’Afrique en général, l’espérance de vie moyenne était de 53 ans en 1985. Elle est aujourd’hui de 47 ans et demi. Et ça continue...

Le PNUD, diplomate, évite de jeter la pierre aux dirigeants politiques bornés. Certes, souligne-t-il, les programmes nationaux prennent rarement en compte le problème: absence de soutien aux malades, aux familles, même aux orphelins du sida, absence des indispensables programmes de prévention, sauf sous la forme de voeux pieux. Mais personne n’est pointé du doigt dans le rapport: "il y a des responsabilités individuelles, admet à Libération Luc-Joël Grégoire. Mais l’information ne remonte pas jusqu’à eux."

Le gouvernement sud-africain choque à ce point une importante frange de ses concitoyens qu’il a fallu en passer par les tribunaux. Vendredi, le 14 décembre, la Haute cour de Prétoria donnait raison à un groupe de femmes qui avait intenté une poursuite contre le gouvernement: celui-ci est tenu de mettre enfin en branle le programme visant à fournir des antirétroviraux (la Névirapine) à toutes les femmes enceintes porteuses du VIH, afin de prévenir la transmission de la maladie à l’enfant.

Un traitement médical dont, là non plus, l’efficacité n’était pourtant plus à démontrer, mais que le gouvernement sud-africain avait refusé, depuis deux ans, de financer, au grand désarroi des médecins. Une coalition de groupes de pression —femmes, sidéens, auxquels se sont associés 200 médecins- avait donc déposé cette poursuite en août. Le juge Chris Botha a tranché en leur faveur, et donné jusqu’au 31 mars au gouvernement pour lui présenter un rapport sur ce qu’il aura fait à compter d’aujourd’hui.

Et la victoire du mois d'avril face aux multinationales pharmaceutiques a tout de même eu des effets: Aspen Pharmacare, compagnie sud-africaine, a obtenu l’autorisation de fabriquer ces fameuses copies de trois antirétroviraux, dont l’AZT. Ils devraient être vendu en mai 2002: un dollar par jour et par patient —soit au moins 20 fois moins cher que les moins chers des traitements "officiels". Reste à voir si cet argument suffira à convaincre le gouvernement de Thabo Mbeki d’en acheter...

 


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