AAAS: 6000 spécialistes sans la spécialisation
BOSTON (ASP) - Six mille chercheurs en
même temps, cest beaucoup. Ajoutez-y un
millier de journalistes, dont une centaine venus de
létranger, et vous avez un événement.
Cest lexploit que réussit cette année
encore le congrès de lAAAS, lAssociation
américaine pour lavancement des sciences,
à Boston du 14 au 19 février.
Et pourtant, on nest pas ici dans
un de ces congrès internationaux ultra-spécialisés
où des experts du génome humain annoncent
à dautres experts du génome humain
avoir décodé le mécanisme guidant
les interactions entre les protéines du gène
DB-Machin. Ces congrès qui volent tellement haut
que même les journalistes les plus spécialisés
ont du mal à suivre -mais qui contiennent généralement
des annonces déterminantes pour lavenir
dune discipline... et pour la carrière
dun chercheur.
Le congrès de lAAAS est différent:
tout comme chez son équivalent québécois,
lAcfas (Association canadienne pour le savoir,
qui sappelait auparavant, et depuis plus dun
demi-siècle, Association canadienne française
pour lavancement des sciences), les sujets couverts
vont des nanotechnologies au cancer en passant par El
Nino, lusage des véhicules automobiles
en Chine au cours des prochaines décennies, lenseignement
des sciences au primaire ou les voyages interstellaires.
Et tout comme son équivalent québécois,
le rêve de lAAAS est de rassembler des scientifiques
de différentes disciplines pour les amener, justement,
à sintéresser à ce qui se
passe dans les autres disciplines.
Mais tout comme son équivalent
québécois, cest bien là-dessus
que lAAAS trébuche, et continue de trébucher
depuis sa fondation, en 1848. Grosso modo, les chimistes
ne sont pas intéressés ou nont
pas le temps de sintéresser- à ce
qui se passe chez les biologistes, et vice-versa.
Par contre, il faut croire que lAAAS
y réussit un peu mieux que lAcfas :
les salles où ont lieu les symposiums (des rencontres
de trois heures rassemblant une demi-douzaine de conférenciers
autour dune thématique donnée) étaient,
cette année, presque toujours pleines ce
qui, à lAcfas, représente un exploit
rare. On note toutefois que lassociation américaine
choisit une direction différente, puisque les
sujets des symposiums en question ont rarement une allure
spécialisée: si on parle de génomique,
cest pour en faire un état de la situation
destiné aux non-spécialistes; si on parle
de biotechnologies, cest pour lancer une discussion
sur les pratiques politiques comparées de lEurope
et des Etats-Unis; si on parle darchéologie,
cest autour dune thématique large
comme les premiers habitants des Amériques; si
on parle de technologie, cest avec un titre comme
"Défense ballistique anti-missiles: liberté
dintimidation ou bouclier de rêves",
qui a de quoi attirer... bien des curieux.
Et cest sans compter les nombreux
symposiums, ainsi que des conférences indépendantes
qui, cette année, tournaient autour de la communication
ou de la diffusion de la recherche scientifique: cest
effectivement là une thématique importante,
qui fait partie du mandat de lAAAS, mais aussi
du mandat des associations cousines à travers
le monde, confirme Richard Getzinger, responsable des
programmes internationaux. Quant à savoir si
cela a un impact sur la pratique des chercheurs, il
faudra revenir dans quelques années pour en être
sûr...