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semaine du 18 février 2002



Qui s'intéresse aux OGM?


Il y a trois ans, toute l’Europe semblait bourdonner des organismes génétiquement modifiés (OGM); en Amérique du Nord, ils ne suscitaient qu'indifférence. Aujourd’hui, le débat a bel et bien pris racine au pays de George Bush... mais demeure à 1000 lieues de ce qu’il est outre-Atlantique. Et personne ne comprend pourquoi.

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Prenons par exemple le cas de la Suisse. Dans la liste des débats publics, les biotechnologies figurent en tête de peloton. Et sont très bien couvertes par les médias, plus que la moyenne européenne, selon Urs Dahinden, de l’Institut des communications de masse et des médias à Zurich.

Une des raisons est, explique-t-il, ce système de démocratie directe dont se vante souvent son pays: il suffit à quiconque de ramasser 1000 signatures pour réclamer un référendum. De fait, il y a déjà eu en Suisse deux référendums sur les biotechnologies: un premier, en 1992, sur le besoin d’établir une réglementation stricte sur la médecine reproductive (accepté), et un autre en 1998 sur une très stricte réglementation autour des biotechnologies de l’agro-alimentaire (rejeté).

Et pourtant, intriguant paradoxe, cela n’a jamais empêché la Suisse de continuer à abriter une industrie biotechnologique de taille, notamment avec "ses" multinationales que sont Novartis et Roche.

L'Autriche n’a pas de telle industrie sur son territoire, et cela explique au moins en partie que, lorsque des citoyens se sont levés pour s'insurger contre les manipulations du vivant, il n'y a eu aucun lobby pour les contrer. Résultat: en Autriche, les lois ont précédé les pressions du public. Un phénomène rare, admet Helge Torgensen, de l’Académie autrichienne des sciences.

Ces deux experts faisaient partie d'un symposium inhabituel au congrès de l’Association américaine pour l’avancement des sciences (AAAS), qui avait lieu à Boston du 14 au 19 février. Inhabituel, puisque ces deux experts " étrangers " partageaient la scène avec une demi-douzaine d’autres provenant d'autant de pays. Chacun était là pour discuter de —c’était le titre- "Politiques de biotechnologie en Europe et en Amérique du Nord", mais en réalité pour répondre à "la" question qui travaillait tout le monde: pourquoi le débat a-t-il levé à ce point dans certains pays et est-il resté lettre morte ailleurs?

Certains ont apporté des éléments de réponses, mais aucune n’a pleinement satisfait les congressistes, venus en grand nombre assister à ce symposium. "Il y a une différence de perception quant au rôle de l’agriculture, entre l’Autriche et les Etats-Unis, a par exemple expliqué Helge Torgensen. L’Autriche privilégie les petites fermes familiales, une vision plus romantique de l’agriculture, moins industrielle. L’Autriche est de très loin en tête en Europe, pour le nombre d’acres consacrés à l’agriculture biologique."

Ce qui est bien sympathique, mais ne suffit pas à tout expliquer: la Suisse, qui n’est apparemment pas aussi bucolique, devance pourtant l’Autriche sur le terrain du débat public. Et l’Allemagne a connu, dans les années 90, un boom de son industrie biotechnologique, avec création de nombreux emplois à la clef... ce qui n’empêche pas sa population, selon les sondages, de rester profondément sceptique face aux avantages de cette industrie.

On aurait par ailleurs tort d’associer vagues anti-OGM et craintes des effets néfastes de la technologie : la Finlande, où la vague anti-OGM a déferlé, est aussi le pays où 80% des adultes possèdent... un téléphone cellulaire. En dépit de toutes les campagnes sur les risques présumés de cancers du cerveau, qui n’ont pas été moins virulentes que les campagnes sur les risques des OGM. "Nous nous considérons comme une nation très pragmatique, avec une éthique pré-industrielle", tente de résumer Timo Rusanen, de l’Université de Kuopio, en Finlande.

En fait, les paradoxes dans toutes ces histoires sont si nombreux qu’ils ont généré à eux seuls, en moins de deux ans, un champ de recherche fructueux. Les Britanniques Martin Bauer et George Gaskell viennent de publier Biotechnology - The Making of a Global Controversy (Presses de l'Université de Cambridge), tandis que les Américains Jon D. Miller et Linda G. Kimmel signent Biomedical Communications (Academic Press), une revue des politiques gouvernementales et de la recherche sur les attitudes du public. Des congrès internationaux ont été organisés (en particulier en Europe), dont celui intitulé "Bioéthiques, biotechnologie et le public", qui avait lieu en mars 2001 à l’Université de Sienne (Italie) : on est allé y chercher jusque dans les années 70, les origines des controverses actuelles sur les biotechnologies. Sans parvenir pour autant à expliquer le débalancement entre l’Europe et l’Amérique.

Mais ce n’est pas seulement là-dessus que trébuchent les chercheurs : ils n'arrivent pas davantage à expliquer la "recette" par laquelle le public va finalement s’impliquer dans un débat... ou s’en détacher. Ainsi, la Suisse, contrée finalement pas-si-modèle, diront les anti-OGM: parce qu’après avoir été à l'avant-garde dès le début des années 90, après avoir été le plus sceptique des pays européens face aux biotechnologies, la Suisse, eh oui, a vu la perception qu'ont ses citoyens des OGM s'améliorer entre 1996 et 1999, tandis que cette même perception stagnait ou se détériorait ailleurs en Europe. Au point où, conclut Urs Dahinden, les biotechnologies sont aujourd'hui un "problème dormant" au pays des Helvètes. Jusqu'à la prochaine crise?

  • Ce mystérieux écart Amérique-Europe avait déjà fait l'objet d'une manchette, en juillet 1999, à une "époque" où le débat n'était même pas encore né aux Etats-Unis.

Pascal Lapointe

 


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