Remise à zéro d'un traitement 
                          anti-cancer 
                        (ASP) - Il y a trois ans, on faisait grand 
                          cas d'une nouvelle stratégie anti-cancer: couper 
                          les vivres aux tumeurs. Voilà que les pendules 
                          sont remises à l'heure dans ce champ de recherche 
                          soudain moins prometteur. 
                        En soi, l'idée semblait logique: 
                          la lutte contre le cancer a consisté jusqu'ici 
                          à bombarder la tumeur pour la détruire 
                          -que ce soit par des médicaments, par l'irradiation 
                          (radiothérapie) ou par la chimiothérapie. 
                          Avec des effets secondaires souvent dangereux sur le 
                          reste du corps. 
                         Depuis les années 70, d'autres 
                          chercheurs ont donc commencé à explorer 
                          une autre piste: sachant qu'une tumeur se développe 
                          parce que notre propre corps la nourrit, en développant 
                          par exemple de nouveaux vaisseaux sanguins qui vont 
                          se charger d'alimenter cette tumeur en oxygène, 
                          pourquoi ne pas empêcher le développement 
                          de ces vaisseaux sanguins -bref, affamer la tumeur?
                        L'idée a pris de l'importance dans 
                          les années 90 et a même créé 
                          une controverse en 1997, lorsqu'un article du New 
                          York Times, répercuté aux quatre coins 
                          de la planète en 24 heures, a prétendu 
                          que des chercheurs de Boston étaient à 
                          deux doigts de vaincre le cancer avec cette méthode, 
                          appelée antiangiogénèse. 
                        Eh bien voilà que les cellules 
                          cancéreuses se sont révélées 
                          plus tenaces que prévu. Les médicaments 
                          qu'expérimentent ces chercheurs depuis quelques 
                          années peuvent bel et bien bloquer la croissance 
                          des vaisseaux sanguins, et par conséquent, bloquer 
                          la croissance des tumeurs. Mais après un certain 
                          temps, ces médicaments finissent par perdre de 
                          leur efficacité: les cellules apprennent à 
                          s'adapter, à vivre avec de moins grandes réserves 
                          d'oxygène, et tout est alors à recommencer. 
                        
                        C'est ce que rapportent depuis Toronto, 
                          dans la dernière édition de la revue 
                          Science, Joanne Yu, Robert Kerbel 
                          et leurs collègues de l'Université McMaster 
                          et du Centre collégial de santé des femmes 
                          de l'hôpital universitaire Sunnybrooke. Les cellules 
                          cancéreuses qui survivent à une diminution 
                          des "vivres" -autrement dit, une diminution de leur 
                          apport en oxygène- sont celles chez qui le gène 
                          p53 a été désactivé, ce 
                          qui se produit dans la moitié des cas. 
                        Leur recherche vient en fait confirmer 
                          des soupçons qui allaient croissants dans la 
                          communauté scientifique depuis deux ans, à 
                          mesure qu'on se rendait compte que cette nouvelle classe 
                          de médicaments -appelés les inhibiteurs 
                          de croissance- n'apportait pas les résultats 
                          auxquels on s'attendait. 
                        Robert Kerbel, qui était un des 
                          principaux promoteurs de cette nouvelle stratégie 
                          anti-cancer, ne baisse pas les bras: interrogé 
                          par la revue Science, il affirme que 
                          ces résultats, s'ils renvoient à la case 
                          départ, "n'éliminent pas l'idée 
                          d'exploiter la thérapie antiangiogénique... 
                          Cette recherche ne devrait pas être interprétée 
                          comme étant la preuve que les tumeurs peuvent 
                          croître en l'absence complète d'oxygène". 
                          Au contraire, elles en ont besoin, même si elles 
                          en ont moins besoin qu'on ne le croyait, et c'est derrière 
                          ce besoin que l'on doit continuer à chercher, 
                          affirme-t-il.