Au moment même où 
                                          les scientifiques commencent à 
                                          se plaindre que les multiples brevets 
                                          sur les gènes leur mettent de 
                                          plus en plus de bâtons dans les 
                                          roues (voir ce 
                                          texte de la semaine dernière), 
                                          voilà quOussama ben Laden 
                                          sen mêle. Dans le cadre 
                                          de ses mesures anti-terroristes, le 
                                          gouvernement américain serre 
                                          la vis sur tout ce qui sapproche, 
                                          de près ou de loin, de la production 
                                          dune arme chimique ou bactériologique. 
                                          Et ça, si vous êtes un 
                                          scientifique qui travaille sur les micro-organismes, 
                                          ça peut inclure beaucoup, beaucoup 
                                          de vos travaux. 
                                        Lintention de la 
                                          Maison-Blanche, tente-t-on de rassurer 
                                          à Washington, nest que 
                                          déliminer les parties des 
                                          articles qui donnent des "détails 
                                          expérimentaux". Mais cest 
                                          justement là le fondement même 
                                          de la recherche: pour quun scientifique 
                                          puisse démontrer quun autre 
                                          scientifique a eu raison ou tort- 
                                          il lui faut pouvoir reproduire sa recherche. 
                                          Sil na plus aucun détail 
                                          sur la façon dont lexpérience 
                                          a été menée, ça 
                                          devient impossible. 
                                        "Cela détruit 
                                          les fondements mêmes de la science", 
                                          dénonce le président de 
                                          la Société américaine 
                                          de microbiologie, Ronald M. Atlas. Sa 
                                          collègue Abigail Salyers, interrogée 
                                          par le New York Times, qui a 
                                          sorti toute cette affaire, se fait plus 
                                          cinglante: "le terorrisme nourrit 
                                          la peur, et la peur nourrit lignorance". 
                                        
                                        En plus davoir retiré 
                                          du domaine public ces 6617 recherches 
                                          dont la plupart nont rien 
                                          à voir avec la production darmes 
                                          (certaines sont vieilles de 20 ou 30 
                                          ans!), mais contiennent des informations 
                                          très techniques sur des virus 
                                          ou des bactéries plus ou moins 
                                          dangereux- le gouvernement américain 
                                          prépare une politique sur la 
                                          sécurité qui, dici 
                                          quelques semaines, pourraient entraîner 
                                          le retrait encore plus massif de telles 
                                          études. 
                                        Il a également 
                                          demandé aux associations, ce 
                                          qui en a scandalisé plusieurs, 
                                          de censurer ce quelles font paraître 
                                          dans leurs publications (la Société 
                                          de microbiologie, par exemple, publie 
                                          des revues majeures comme Infection 
                                          and Immunity, The Journal of Bacteriology 
                                          et The Journal of Virology). 
                                        
                                        La Société 
                                          a déjà indiqué 
                                          ne 
                                          pas avoir lintention de se plier 
                                          à ces recommandations du 
                                          gouvernement. 
                                        La simple crainte de voir 
                                          le gouvernement interdire une recherche 
                                          risque de limiter en soi les recherches, 
                                          sindigne le président de 
                                          la Fédération des sociétés 
                                          américaines de biologie expérimentale, 
                                          Robert R. Rich. "Je pense que le 
                                          risque de bloquer des avancées 
                                          est plus grand que le risque que cette 
                                          information ne tombe en de mauvaises 
                                          mains." Il donne en exemple une 
                                          recherche récente sur les manipulations 
                                          génétiques de virus associés 
                                          à la variole: de quoi donner 
                                          le frisson à la Maison-Blanche 
                                          quand on regarde le titre. En réalité, 
                                          il sagit là de travaux 
                                          susceptibles de faire progresser tout 
                                          le domaine de la recherche sur les vaccins, 
                                          ceux contre la variole, mais aussi contre 
                                          une grande variété de 
                                          virus, y compris le VIH. 
                                        Après la sortie 
                                          de ces informations dans le Times, 
                                          le gouvernement américain a tenté 
                                          de se faire rassurant. R. Paul Ryan, 
                                          administrateur-adjoint au Centre dinformation 
                                          technique de la Défense fédérale, 
                                          où ont été décidés 
                                          ces 6600 retraits, affirme quun 
                                          comité dexperts scientifiques 
                                          sera créé afin de voir 
                                          si certains de ces documents pourraient 
                                          être à nouveau rendus disponibles. 
                                          Il a toutefois reconnu ne pas savoir 
                                          quand de telles discussions pourraient 
                                          avoir lieu... Et le Times a appris 
                                          que le processus de révision 
                                          de vieilles recherches scientifiques 
                                          se poursuivait, de sorte que ce total 
                                          de 6600 va bientôt augmenter...