
Le 25 novembre 2002

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Le peuple empoisonné
(Agence Science-Presse) - Le Bangladesh n'est
pas au bout de ses peines avec l'arsenic. A croire qu'on
a décidé en haut lieu d'empoisonner toute
la population et de repartir à zéro.
Il y a une vingtaine d'années, un programme
massif d'aide international là-bas conduisait au
creusage de centaines de puits, amenant quelques dizaines
de millions de personnes à boire de l'eau qui se
révélerait plus tard contaminée à
l'arsenic. "Le pire empoisonnement de masse de l'histoire",
selon l'expression consacrée (lire 75
millions d'empoisonnés à l'arsenic). Et
voilà que l'arsenic resurgit: à travers l'eau
d'irrigation, on vient de découvrir qu'il est aussi
passé dans le riz, premier aliment du Bangladesh.
Selon l'Organisation mondiale de la santé,
jusqu'à 270 000 personnes sont peut-être mortes
dans les années 80 et 90 des suites d'un empoisonnement
à l'arsenic. Une poursuite judiciaire est finalement
arrivée, ces derniers mois, devant un juge britannique,
les géologues de l'époque étant accusés
par les autorités du Bangladesh d'avoir fait preuve
de négligence lorsqu'ils ont autorisé le creusage
de ces puits.
Mais après tous ces morts et tous ces
cas de cancers et de maladies de peau, on espérait
au moins avoir réglé le problème en
fermant les puits. Ce n'est pas l'opinion des auteurs de
deux études: la première, parue dans l'édition
en ligne de la revue Environmental Science and Technology,
conclut que l'arsenic remonte à la surface à
travers le pompage effectué par les agriculteurs
dans des sols contaminés; la seconde étude,
parue dans Science, affirme que le simple
acte de pompage à des fins d'irrigation peut contribuer
à hausser le taux d'arsenic dans l'eau. Et par
conséquent, dans le riz. Et dans tout ce qui pousse
dans les champs.
Andrew Meharg, biochimiste à l'Université
d'Aberdeen (Écosse), a dirigé la première
étude, et a analysé pour cela des échantillons
de sol prélevés sur 70 sites. Jusqu'à
maintenant, les études avaient surtout porté
sur la santé humaine, et avaient donc cherché
à déterminer la prévalence de l'arsenic
dans les organismes de ceux qui avaient bu cette eau. Mais
si on se met à prendre en compte les aliments possiblement
contaminés qu'ils ont également avalés,
la catastrophe pourrait prendre une tout autre ampleur.
Une solution pourrait être de creuser
des puits plus profonds: la plupart des puits actuels descendent
jusqu'à 35 mètres. A 100 mètres de
profondeur, il y a moins d'arsenic et pas du tout de molécules
organiques, lesquelles sont en partie responsables du cycle
par lequel l'arsenic se retrouve là. Mais de tels
puits coûtent beaucoup plus cher... et il faudrait
remplacer six à 10 millions de puits actuellement
en usage.
Recueillir l'eau de pluie serait une solution,
à court terme, plus vraisemblable, avance l'épidémiologiste
Dipankar Chakraborti, de l'Université Jadavpur de
Calcultta, qui a dirigé la seconde étude.
Cela nécessiterait toutefois un travail d'éducation
auprès de la population, afin de développer
une "meilleure gestion de l'eau".
Les trois pires échantillons contenaient
1,7 milligramme d'arsenic par kilo de riz. Le niveau maximal
autorisé en Australie -seul pays à avoir instauré
une norme sur la présence d'arsenic dans la nourriture-
est de 1 milligramme par kilo.
Et le riz constitue 73% de la diète
bangladeshi...
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