L'ancêtre
commun à tous les chiens de la planète
est en effet venu de l'Est, ce qui constitue
déjà une surprise: les archéologues
avaient spontanément imaginé que
les premiers chiens domestiques avaient dû
accompagner le Cro-magnon d'Europe ou du Moyen-Orient.
Mais quelle que soit son origine,
cette nouvelle datation, que l'on doit à
la génétique, confirme ce que
l'on savait déjà: le chien fait
partie de l'histoire humaine depuis plus longtemps
que tout autre animal, vache, cheval ou chèvre.
Et pendant ces 15 millénaires, les chiens
ne se sont pas seulement diversifiés
en une multitude de sous-espèces, du
caniche de 2 kilos au mastiff de 90. Ils ont
aussi évolué socialement, acquérant
des capacités que l'on ne retrouve chez
aucune autre espèce domestique.
Trois études viennent de
leur être consacrés simultanément
dans la revue Science:
l'une, la génétique, est celle
qui apporte de nouveaux éléments
sur la généalogie du chien, lui
que peu de choses distinguent, biologiquement,
du loup, du coyote et du chacal. L'autre, également
génétique, confirme que ceux que
les archéologues appellent les chiens
du Nouveau-Monde, parce qu'on croyait qu'ils
avaient été domestiqués
en Amérique du Nord à partir du
loup, furent en fait, eux aussi, des chiens
d'Asie: ils
ont vraisemblablement traversé le détroit
de Bering, il y a 10 000 ou 12 000 ans,
en compagnie de leurs amis à deux pattes.
Mais c'est la troisième
étude
(la lecture du résumé
nécessite une inscription gratuite) qui
retient l'attention des amants de la gent canine.
En tentant de reconstituer "l'histoire sociale"
des chiens -c'est vraiment comme ça que
ça s'appelle- les biologistes dirigés
par Brian Hare, à l'Université
Harvard (Massachusetts), démontrent que
les chiens comprennent les signaux que leur
envoient les humains mieux que les chimpanzés.
Même un chiot de neuf semaines qui n'a
eu que peu de contacts avec les humains, bat
sur ce terrain un chimpanzé. Et il surclasse
également les loups élevés
par des humains.
"Les chiens sont passés
par toute une série de sélections
pour devenir compatibles avec les humains",
résume Jennifer Leonard, biologiste de
l'évolution au Musée Smithsonian
d'histoire naturelle à Washington, à
la tête de la seconde étude. En
d'autres termes, d'un point de vue bêtement
darwinien, il est possible qu'une meilleure
compréhension des humains soit devenue,
il y a plusieurs millénaires, un élément-clef
de l'évolution des chiens: les meilleurs
restaient, les autres retournaient à
l'état sauvage.
Tous les experts ne sont pas convaincus
par cette hypothèse, pas plus que par
les 15 000 ans. Des ossements de mâchoires
de chiens vieux de 14 000 ans ont déjà
été découverts en Europe
centrale. Ces ossements étaient-ils ceux
des ancêtres de nos chiens, ou s'agissait-il
encore de loups domestiqués? Et qu'en
est-il du squelette de cette femme, enterrée
il y a 12 000 ans là où se trouve
aujourd'hui Israël, avec ce que plusieurs
experts prétendent être un chiot
dans ses bras?
Mais le débat ne doit pas
étonner: "tout ce qui est publié
sur les origines du chien est controversé",
résume I.Lehr Brisbin, écologiste
à l'Université de Georgie, qui
participe également au vaste projet de
décodage du génome du chien, récemment
approuvé (voir
ce texte). Pourquoi est-ce controversé?
"Parce que tout le monde, même l'homme
de la rue, croit qu'il est un expert en chiens."